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Les prescriptions légales, dites mosaïques, présentent des analogies frappantes avec le code d’Hammourabi, roi babylonien du xviiie siècle avant l’ère chrétienne.

Dans les écrits antérieurs au livre de Daniel, c’est-à-dire rédigés avant le iie siècle qui a précédé l’ère chrétienne, il n’existe aucune idée d’immortalité de l’âme, aucune idée autre que la croyance au Schéol, à « la fosse creusée dans les profondeurs de la terre, séjour des ténèbres, du froid, du silence, de l’oubli, du sommeil, de l’ignorance, de l’inactivité physique, intellectuelle et morale, où languissent dans une durée indéterminée les ombres des corps, dont les âmes sont retournées à l’Éternel, qui les avait données, et qui les a reprises, car elles ne sont que son souffle ». En fait, le Schéol n’est point une représentation de la vie à venir : c’est plutôt l’expression mûrement pesée de la mort qui anéantit tout et qui ne laisse après elle aucune espérance. L’inscription du phénicien Echmunazar datant du iiie siècle avant l’ère chrétienne, découverte dans l’antique nécropole de Sidon (on la trouve au Louvre), confirme cette opinion, puisque le prince au nom duquel elle est rédigée, se représente le monde à venir comme une chambre de repos, une couche où les ombres végètent et s’endorment de l’éternel sommeil. Quant aux inscriptions assyriennes, qui nous offrent les mêmes idées, elles s’accordent avec l’Ancien Testament pour déclarer que le « Schéol » est le séjour d’où l’on ne revient pas. (Psaumes CXV, 17 ; LXXXVIII, 11. Isaïe XXXVIII, 18).

Toutes les légendes de la Bible font partie, sous une forme ou une autre, du folklore primitif. Elles ont pour objet de rappeler à l’homme qu’il est sous la dépendance de Dieu, des dieux ou du surnaturel, et que s’il désobéit c’est malheur à lui. Partout on retrouve la légende du déluge avec ce thème initial : destruction d’un groupement d’hommes par les eaux à l’exception d’une seule famille destinée à la reconstitution du genre humain. Il y a des variantes ; parfois même comme dans la légende de la ville d’Ys, il ne s’agit plus que d’une cité et non de l’humanité ou d’une région. Les mythes d’Adam, d’Ève, de Satan, de Noé, d’Abraham, de Moïse, de Salomon, ont des parallèles dans l’Amérique du Nord, chez les fino-ougriens, les turco-mongols, bien ailleurs. Ces découvertes et un examen serré des textes ont permis aux critiques de situer la composition des livres bibliques au retour de la « Captivité », à l’époque d’Esdras (nom d’un homme ou d’un groupe qui entreprit de ressusciter le judaïsme dans ce qu’il y avait de plus nationaliste en lui : la religion).

La rédaction de la Thora ne remonterait donc pas au-delà du ive siècle pour les livres légendaires et historiques ; de la fin du ive et pendant le cours du iiie pour la plupart des livres prophétiques ; du iie et du ier siècle pour les Psaumes, le livre de Daniel, et les Hagiographes en général.

On est parvenu à distinguer jusqu’à quatre influences ou apports dans la rédaction du Pentateuque, qui détruisent absolument l’idée de l’unité de conception de la Thora : l’influence élohiste, l’influence jahviste, le deutéronome, le code sacerdotal. Qu’on lise le récit de la création tel que le raconte le début de la Genèse jusqu’au 2e chapitre et le nouveau récit qui commence au 4e verset de ce même chapitre, on se rendra facilement compte qu’on se trouve en présence de deux compilations qui ont peu de ressemblance. À l’une de ces compilations on donne le nom d’élohiste, parce que la divinité y est appelée Elohim, à l’autre, le nom de jéhoviste ou jahviste parce qu’on y dénomme l’entité divine Jéhovah ou plus littéralement Iahveh. Une autre preuve de la rédaction relativement moderne des livres

de la Bible c’est que ceux qui les ont écrits semblent n’avoir jamais entendu parler du rôle joué par certains peuples à l’époque où se déroulaient les événements qu’ils décrivent. C’est ainsi qu’ils ignorent l’empire des héthéens (situé au nord de la Palestine) qui existait au temps des invasions égyptiennes ou assyriennes ; ou bien ils attribuent à un seul homme l’œuvre de plusieurs générations, telle la migration dirigée par Abraham. Il semble donc que les Noé, les Abraham (xxe siècle avant J.-C. selon la tradition) les Jacob, les Moïse (XVIe siècle idem) les Josué, sont des héros aussi mythiques que les Samson, l’hercule juif, ou les Samuel. Les sultans David, Salomon et leur histoire semblent avoir été annexés au judaïsme bon gré, mal gré ; avant eux, c’est la nuit noire ou à peu près. Non seulement les récits bibliques pour ce qui concerne le prétendu séjour en Égypte des Israélites, et leur sortie de ce pays, fourmillent d’invraisemblances et d’impossibilités matérielles, géographiques, historiques, mais encore parmi les monuments égyptiens aucun ne mentionne l’épisode israélite. Qu’une horde de pillards et de nomades pasteurs soit apparue quinze ou dix-huit cents ans avant l’ère chrétienne sur les plateaux de la Syrie méridionale, traînant à leur suite leurs troupeaux et leurs femmes ; que, les armes à la main, après avoir parcouru le désert à la recherche d’un puits, d’une fontaine, d’un silo, ils aient fini par s’établir, féroces et exterminant les tribus déjà installées, impuissantes à les repousser, ― cela se peut ; qu’aient persisté des souvenirs se rattachant à une délivrance de l’autorité égyptienne, à un certain Moïse, et à d’autres noms, on peut l’admettre ; mais tout le reste est imagination, création intellectuelle de la classe sacerdotale pour façonner la mentalité judaïque selon ses intérêts et son patriotisme.

Sous le règne de Ptolémée, roi grec d’Égypte, le nombre des Juifs habitant son royaume et principalement Alexandrie était considérable. Or, ils ne parlaient plus l’hébreu. Ce fut pour eux que vers la moitié du iiie siècle, on commença à traduire en grec les livres du canon d’Esdras, en commençant par la Thora. C’est cette version grecque qu’on appelle la version des Septante (parce que selon la tradition, 72 traducteurs s’en seraient occupés) ou d’Alexandrie, composée par des savants juifs établis en Égypte et très probablement achevée en l’an 150 avant l’ère chrétienne.

C’est de cette version que les chrétiens des premiers siècles se servirent lorsqu’ils traduisirent la Bible en latin ; la meilleure de ces traductions latines est connue sous le nom de la Vetus Itala, mais elle était remplie d’imperfections. Un des Pères de l’Église les plus remarquables, Jérôme, s’étant adonné à l’étude du chaldéen et de l’hébreu, qu’il apprit à Jérusalem même par les soins d’un rabbin nommé Barhanina, qui l’enseignait la nuit par crainte de ses compatriotes ― il prit la résolution de traduire la Bible directement sur les textes originaux : ce travail lui demanda vingt ans, de 385 à 405. Maints catholiques, dont Saint Augustin, en voulurent à Jérôme d’avoir osé traduire autrement que l’avaient fait les Septante. Finalement, sous le nom de Vulgate, la version de Jérôme a fini par s’implanter comme texte officiel de l’église catholique romaine. Pour être complet, il convient d’ajouter que c’est sur la Vulgate qu’ont été faites les premières traductions en langue vulgaire de la Bible : les versions françaises protestantes de Lefèvre d’Etaples et de Pierre Robert Olivetan, un picard parent de Calvin, la version allemande de Martin Luther, les versions anglaises de John Wyclif et de Tyndal. La version catholique française de Lemaistre de Sacy est de même origine.

Il existe un certain nombre de livres apocryphes qui ne figurent pas dans le canon de l’Ancien Testament,