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BABEL (tour de). La tour de Babel est une immense tour que, d’après la Bible, les fils de Noé voulurent élever pour atteindre le ciel. Dieu aurait alors anéanti par la confusion des langues, cette entreprise insensée. Le mot Babel ou Tour de Babel est entré dans la langue pour désigner soit une construction gigantesque, soit un amas d’objets confus, soit une conception ou une entreprise téméraire, soit un lieu où l’on parle beaucoup de langues, etc… ― On a cherché à identifier la tour de Babel avec différentes ruines, comme celle de Babil, au nord de Babylone, ou celle de Borsippa, au sud de Hillah, mais rien n’est venu confirmer ces conjectures. ― Telle qu’elle nous est parvenue, la légende de la Tour de Babel peut nous être un enseignement. Elle nous montre qu’il est nécessaire, avant toute chose, que les peuples se comprennent fraternellement. Et c’est moins leurs langues différentes qui font obstacle à cela, que les diplomaties sournoises de leurs dirigeants. Il faut que les peuples apprennent à communier en un idéal commun, qu’ils s’efforcent de se comprendre et qu’ils éloignent ou châtient tous ceux qui voudraient allumer des discordes nationales. C’est pour cela qu’une langue internationale serait utile et servirait à supprimer beaucoup de malentendus entre les peuples. (Voir Espéranto, Ido, Langue internationale.)


BACCHANALES. n. f. pl. Les bacchanales, fêtes païennes en l’honneur de Bacchus, analogues aux dionysies de Grèce, étaient pratiquées surtout en Étrurie et à Rome. Elle devinrent rapidement prétexte à débauches et à crimes. À la suite d’un procès monstre, dans lequel plus de sept mille personnes furent impliquées et un grand nombre furent condamnées à mort ou à la prison (an 186 av. J.-C.), les bacchanales furent interdites par un sénatus-consulte dont on a conservé le texte. ― Au singulier et en langage familier, on désigne sous le nom de bacchanales, une débauche bruyante.


BADERNE. n. f. Se dit, par mépris, d’une personne que sa vieillesse, sa santé ou son inintelligence mettent hors d’état de rendre des services. On trouve de vieilles badernes partout, dans l’armée, dans les administrations, dans les arts, etc… Non seulement les badernes ne peuvent rendre aucun service, mais encore elles sont malfaisantes de par leur prétentieuse nullité, leur continuelle incompréhension, leur amour de la routine, etc… Partout où il y a des badernes, il ne faut pas compter voir s’installer le progrès, et partout où il y a des badernes, il ne faut pas espérer voir triompher les idées humanitaires. C’est justement à cause de cela que les badernes sont utiles aux dirigeants : ce sont de bons outils sans conscience ni personnalité qui obéissent au doigt et à l’œil aux ordres les plus arbitraires.


BAGNE. n. m. (de l’italien bagno : bain). Lieu où étaient enfermés les forçats, dans un port. Lieu où, aujourd’hui, des condamnés subissent encore la peine des travaux forcés : Guyane, Nouvelle-Calédonie. —

Notons ici quelques détails principaux sur l’historique des bagnes. Au xviie siècle et pendant la première partie du xviiie, une des peines criminelles était celle des galères, qui consistait à ramer sur les galères de l’État. Mais les progrès de la marine à voile firent abandonner les bâtiments à rames, et les galériens furent internés dans certains ports. Il y avait des bagnes à Toulon, Brest, Rochefort et Lorient, celui-ci réservé aux soldats et marins. Le forçat était marqué au fer rouge sur l’épaule, et vêtu d’une livrée spéciale : casquette rouge, pantalon jaune foncé, bonnet rouge ou vert, suivant qu’il était condamné à temps ou à perpétuité. De plus, on lui mettait au pied une manille ou anneau de fer, munie d’une chaîne. Ces bagnes furent supprimés de 1830 (Lorient) à 1873 (Toulon). Et on transporta les forçats dans les colonies. Tous les esprits généreux se sont maintes fois élevés contre l’infamie des bagnes. Les anciens ont été décrits et dénoncés par Victor Hugo en des pages qui resteront. Les nouveaux ont indigné tous ceux qui ont pu être témoins des atrocités qui s’y déroulaient. Il n’est, en effet, pas de supplices que les gardes-chiourme n’aient inventés pour exercer leur cruauté sadique sur des malheureux qu’on abandonnait à leur bestialité. L’arbitraire le plus ignominieux s’est donné libre cours dans les bagnes coloniaux.

Deux journalistes, dans des campagnes de presse retentissantes : Jacques Dhur, avant la tuerie mondiale 1914-1918, Albert Londres ensuite, se sont efforcés d’émouvoir l’opinion publique. Devant cette attitude, le gouvernement a dû céder, et il a supprimé les bagnes coloniaux. Désormais, les forçats purgeront leur peine en France, dans les maisons centrales. Certes, ils ne seront plus, de cette façon, livrés à l’arbitraire odieux des gardes-chiourme, et c’est déjà un résultat. Mais c’est loin d’être suffisant, et les anarchistes n’auront de répit, que lorsque les portes des prisons — de toutes les prisons — s’ouvriront toutes grandes.


BAGUETTE (magique). Baguette vient de l’italien bacchetta, qui est un diminutif de baculus (bâton). Ce mot veut donc dire « petit bâton ».

La baguette a, de tout temps, été employée comme insigne, comme marque extérieure d’une dignité. Dans les mythes, dans les légendes, la baguette désigne souvent les héros. Les puissants, civils ou religieux, ont ensuite employé ce commode signe de supériorité ; c’est avec une baguette que Moïse faisait jaillir l’eau des rochers ! De nos jours encore, dans certains pays, les magistrats portent un bâton quand ils sont en fonction, et les officiers de service se munissent d’une baguette. De là, sans doute, vient l’expression : « Mener à la baguette », c’est-à-dire rudement, militairement. « Les baguettes » se dit d’une punition militaire. Le soldat, les épaules nues, est obligé de passer entre deux haies de « frères d’armes » qui le frappent tour à tour d’une baguette flexible. Dans son « Candide », Voltaire décrit magistralement ce supplice.

Il est compréhensible que la baguette ait acquis un certain sens d’autorité que les charlatans ne pouvaient