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riens grecs et latins nous rapportent les fabuleuses légendes de Dédale et d’Icare. Mais ces rêves n’ont pu être réalisés qu’au cours des deux ou trois dernières décades. Les premiers qui voulurent en faire l’expérience furent considérés comme des fous, des illusionnés, et la foule les tourna en dérision.

On peut diviser l’historique de l’aviation en trois périodes principales : 1o La période s’étendant du début de la civilisation à 1890 ; 2o De 1890 à 1905 ; 3o De 1905 à nos jours.

Première période. — Jusqu’au xixe siècle, on ne cite que des projets d’appareils dus à l’imagination de poètes ou de rêveurs.

On attribue à Léonard de Vinci, l’idée de l’hélicoptère et du parachute. Quelques audacieux eurent, par la suite, le courage de se lancer dans le vide, mais se tuèrent ou furent victimes de graves blessures.

Nous devons mentionner les essais laborieux de Henson (1843), Wenham (1866), Tatin (1879). Malheureusement, les moyens mécaniques faisaient défaut. En 1846, on assiste à une première tentative d’essais expérimentaux sur le vol à voile. Ces essais dûs au marin breton, Le Bris, ne furent pas poursuivis, faute de moyens, mais ils devaient être repris 50 ans plus tard, par l’allemand Lilienthal, qui en tira des enseignements qui furent à la base de l’aviation actuelle.

En 1871, Alphonse Penaud construisit un petit aéroplane de stabilité remarquable, et qui fut le premier appareil ayant pu s’envoler. Ses études furent primées par l’Académie des Sciences, en 1873. La mort prématurée de cet inventeur, survenue en 1876, arrêta les travaux en cours.

On était à cette époque, en possession :

1o D’une théorie exacte de l’aéroplane, due à Alphonse Penaud ;

2o D’une méthode expérimentale, due à Le Bris, dont Lilienthal s’inspirera et qui assurera le succès quand les moteurs auront réalisé un poids minimum pour une puissance donnée.

Deuxième période (1890-1905). — L’aviation s’oriente dans sa voie définitive.

Rappelons les essais de l’ingénieur Clément Ader, qui réussit, en 1891, un vol de 300 mètres, au plateau de Satory, sur son avion l’ « Éole », actionné par un moteur à vapeur. C’est le premier qui se soit élevé de terre par ses propres moyens, sans appareil de lancement. En 1896, le professeur Langley, de Washington, qui avait publié un mémoire important d’aérodynamique, indiqua qu’il y avait à faire un apprentissage spécial du vol pour que l’homme puisse s’élever et se maintenir dans l’air. Partant de ce principe et des procédés employés par Le Bris, Lilienthal imagina une nouvelle méthode. Il construisit un planeur, qui, y compris son poids, ne dépassait pas 100 kilos et mesurait 15 mètres de surface, réalisant ainsi les mêmes proportions que chez l’oiseau.

Il utilisait de petites collines pour prendre son vol et guidait et modifiait l’inclinaison de son appareil par ses jambes restées libres.

Il réussit à voler sur un parcours de 300 mètres. Malheureusement, il se brisa les reins, en 1896.

Un peu plus tard, les frères Wright découvrirent le secret du vol mécanique, après de nombreux essais de vol sans moteur. En 1903, ils réussirent, avec un appareil de 50 mètres carrés et un moteur de 22 HP, à voler près d’une minute. Les essais se continuèrent en progressant, jusqu’en 1908.

Troisième période. — Pendant que les frères Wright travaillaient en secret, le capitaine Ferber, en France, cherchait à réaliser un appareil stable. Il réussit, en 1908, à survoler le champ d’Issy-les-Moulineaux. Ferber périt au cours d’une expérience.

Nous devons mentionner également les essais de Santos-Dumont, célèbre par ses tentatives de dirigeabilité des ballons. Il réussit, en 1906, à Bagatelle, un vol de 220 mètres. Citons aussi Archdeacon, Farman, Esnault-Pelterie, puis Blériot, qui réussit, en 1909, sur un monoplan de son invention, la traversée de la Manche.

1908 fut l’année pendant laquelle fut faite la démonstration mondiale du vol mécanique.

1909, avec le concours de Reims, allait être l’apothéose et le couronnement des efforts des inventeurs.

Par la suite, les performances se multiplient. Citons le parcours de Paris-Madrid, par Védrines ; Paris-Rome, par Beaumont (1911) ; Paris-Petrograd-Stockholm-Paris, par Brindejonc des Moulinais (1913).

Ces performances qui soulevaient l’enthousiasme des gens épris de progrès nous paraissent bien faibles à côté des résultats obtenus aujourd’hui.

Certes, l’aviation en est encore à la période de l’enfance, et il s’écoulera sans doute bien des années avant qu’elle devienne un moyen de locomotion courante ; il faut reconnaître cependant qu’elle a marché durant ces dix dernières années à pas de géants. La puissance des moteurs, s’est accrue considérablement. On est arrivé aujourd’hui, à des vitesses fantastiques, plus de 300 km à l’heure. Un aviateur a réussi à s’élever à plus de 12.000 mètres d’altitude. On est parvenu à faire le circuit de Paris-Constantinople-Moscou-Copenhague-Paris, en trois jours. L’aviateur espagnol Franco a atteint le Brésil en survolant l’Atlantique.

On expérimente depuis quelque temps des appareils légers, actionnés par des moteurs de faible puissance (25 C.V. environ), et auxquels on a donné le nom d’avionnettes.

Le but de ces recherches est de réduire la consommation en essence et en huile et de ne pas dépasser sensiblement le prix de revient kilométrique de l’automobile, tout en conservant des vitesses très supérieures. C’est sans doute la solution pratique de l’aviation pour l’avenir.

Les lignes aériennes s’étendent chaque jour dans le monde entier. Grâce aux aérobus, Paris est à 2 h. 1/2 de Londres et de Strasbourg, à 6 heures de Prague, à 9 heures de Varsovie. Le nombre des voyageurs et des correspondances transportés augmente sans cesse. L’aviation est entrée, enfin, dans la voie des réalisations pratiques. Pourquoi, faut-il que cette œuvre admirable soit mise au service de la guerre et destinée à massacrer des milliers d’innocents ?

Pendant la dernière tuerie, des centaines d’appareils survolaient les champs de bataille et les villes ouvertes pour y déverser des tonnes de mitraille. Ce merveilleux instrument de progrès qui, en supprimant les distances, devait servir à rapprocher les peuples fut consacré à les détruire avec plus de certitude et de précision. Dans les guerres coloniales, on en fait un usage quotidien et les aviateurs galonnés ― missionnaires d’un nouveau genre ― vont semer la terreur et la mort parmi des populations sans défense.

On peut dire que l’intérêt porté par l’État aux progrès de l’aviation est exclusivement un intérêt d’ordre militaire. On ne veut voir dans un nouvel appareil, que l’usage qui pourra en être fait par l’armée et les avantages que celle-ci pourra en tirer en cas de nouveaux conflits. C’est pourquoi elle appelle l’aviation la cinquième arme, et en escompte les meilleurs résultats.

Alors que nous considérons l’aviation comme un agent idéal d’internationalisme et de suppression des frontières, nos gouvernants ne voient en elle qu’un moyen plus sûr et plus rapide de vaincre l’ennemi en cas de nouvelle conflagration.

Espérons que ce monde corrompu disparaîtra avec toutes les forces d’oppression qui le dominent et que