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n’en tire aucun profit particulier ; au contraire il risque le bagne ou la peine de mort. Sa seule récompense est la satisfaction d’avoir accompli un acte de justice et d’humanité.

Souvent dans la vie des exploités, des luttes et des grèves se produisent soit pour obtenir un salaire qui permette de vivre, soit pour une diminution des trop longues heures de travail. À bout de patience, les grévistes attentent à la vie des patrons, des directeurs ou des contremaîtres ; ces attentats ont un caractère social.

Il est utile de signaler que certains attentats sont protégés et même accomplis de sang froid, par les agents des Gouvernements : tels, ceux qui ont lieu dans une grève, dans une manifestation, dans une réunion pacifique, où les gendarmes et les policiers envahissent les salles, les usines, les rues et sabrent les grévistes et les manifestants. La force étant au service des exploiteurs, ce sont inévitablement toujours les malheureux qui sont fusillés et victimes. Dans ce genre d’Attentat les agresseurs, les policiers qui se montrent les plus féroces sont décorés. ― L. Guérineau.

Quelques décisions intéressantes. — Bulletin de la Fédération Jurassienne, 1876 : « La fédération italienne croit que le fait insurrectionnel, destiné à affirmer par des actes les principes socialistes, est le moyen de propagande le plus efficace et le seul qui, sans tromper et corrompre les masses, puisse pénétrer jusque dans les couches sociales les plus profondes et attirer les forces vives de l’humanité dans la lutte que soutient l’Internationale… »

Cette déclaration est signée par les délégués fédéraux au Congrès de Berne : Errico Malatesta et Carlo Cafiero.

Bulletin de la Fédération Jurassienne 1877. — « Le premier mode de propagande de l’idée est… la causerie. Ce moyen de propagande, quoique excellent, ne suffit pas… il n’y a pas assez de propagandistes pour parler d’homme à homme, pour causer… on est amené à remplacer la causerie par la conférence ou le meeting… Mais si la voix humaine peut parler à mille personnes, il est une voix qui parle à dix mille, à cent mille auditeurs, c’est celle de la presse. Ainsi s’établit un troisième mode de propagande théorique, le plus puissant de tous : la propagande par la brochure et surtout celle par le journal… À côté de la propagande théorique, la propagande par le fait. »

« L’Avant Garde », organe de la Fédération française de l’Internationale 1878. — « L’idée marche en s’appuyant sur deux forces qui se complètent : le rayonnement de l’acte, la puissance de la théorie. Et si l’une de ces forces fait plus que l’autre, c’est l’acte et non pas la théorie. »

Congrès de la Fédération Jurassienne, à Fribourg, 1878. — « Quant aux principes : 1o Pour l’appropriation collective de la richesse sociale ;

2o Pour l’abolition de l’État sous toutes ses formes, y compris la prétendue agence centrale des services publics ;

Quant aux moyens : 1o Pour la propagande théorique ;

2o Pour l’action insurrectionnelle et révolutionnaire ;

3o Quant au vote : il ne saurait être considéré comme un principe de droit capable de réaliser la soi-disant souveraineté du peuple ; et, comme instrument, son emploi est toujours dangereux. »

Congrès international socialiste révolutionnaire, tenu à Londres du 14 au 20 juillet 1881. Il eût pour but la reconstitution de l’Association Internationale des

Travailleurs et déclara nécessaire de joindre à la propagande verbale et écrite, la propagande par le fait.

Attentats ayant un caractère social et, pour la plupart, altruiste. — 1858, 15 janvier : Orsini, aidé de deux camarades, lance des bombes sur Napoléon III. — 1866 : Karakosoff, tire un coup de pistolet sur le tzar, il le manque. — 1875, 29 juin : À Lipetzk, un Congrès révolutionnaire décide la mort d’Alexandre II. — 1876, 10 juillet : Le mouchard Prune est exécuté dans un cimetière à Saint-Pétersbourg. — 1877, 5 avril : Un groupe de révolutionnaires dans lequel est Malatesta, s’empare de l’hôtel de ville de Bénévent (Italie), et en brûle les archives.

« C’est à San-Lupo, le 5 avril, que la bande s’est montrée pour la première fois ; mais, surprise prématurément et peut-être à l’improviste par les carabiniers, elle les a reçus par une décharge de coups de feu, qui en a blessé deux ; puis elle s’est retirée du côté des montages du Malese… « La bande (dit un journal de Naples) ne comptait pas plus de trente hommes et était dirigée par Cafiero, Malatesta et Ceccarelli. S’étant rendus à la maison commune de Letino, ils se firent remettre par le secrétaire tous les papiers qui s’y trouvaient. Ces papiers, ainsi que le portrait du roi, furent brûlés sur la place publique. Puis, la bande se mit en route pour la petite bourgade de San Gallo… » Dans cette bourgade, les archives furent aussi brûlées, et l’argent qu’on trouva au bureau du receveur des impôts fut distribué au peuple… La bande, surprise dans une ferme de Letino, fut cernée, et ceux qui la composaient furent arrêtés le soir du 11 avril, après avoir tenu la campagne pendant six jours… »

1878, 5 février. — Une femme : Vera Zassoulitch, pénètre dans le bureau de Trépoff, chef de la police à Pétersbourg, et lui tire à bout portant deux coups de pistolet, il est mortellement blessé. — 11 mai : Hœdel tire plusieurs coups de revolver sur Guillaume Ier, qui faisait une promenade en voiture sur l’avenue des Tilleuls, à Berlin. Extrait du jugement d’Hœdel, ouvrier ferblantier :

Le Président : « Vous aimiez à vous dire anarchiste ; savez-vous ce que c’est qu’un anarchiste ? L’Accusé : Je n’ai pas besoin de vous expliquer cela ici. Je ne vous convertirais pas à mes opinions, pas plus que vous ne me convertiriez aux vôtres. » Condamné à mort, Hœdel a écouté sa sentence la tête haute, avec le sourire sur les lèvres, comme s’il s’agissait de quelque autre. Comme on lui ordonne de quitter la salle, il campe fièrement son chapeau sur l’oreille et pousse le cri de : « Vive la Commune ! » 5 juin : Nobiling, tente de tuer Guillaume Ier, roi de Prusse. ― « …Vers trois heures de l’après-midi, au moment où l’empereur passait en voiture découverte dans cette même allée des Tilleuls, Nobiling paraît à une des deux fenêtres de son appartement, une carabine en mains. Il vise l’empereur, il tire ; on envahit l’appartement de Nobiling pour l’arrêter. Quand la porte de sa chambre a été ouverte, on a vu Nobiling appuyé sur son poêle, le revolver à la main. Le maître d’hôtel s’avance ; il reçoit une balle au cou. Le second visiteur est tiré et manqué. Nobiling se tire un troisième coup à la tempe droite, et enfin un quatrième. Alors, un officier du 82e régiment trouve utile et courageux d’asséner un coup de sabre sur la tête du malheureux mourant. Charles Nobiling a 30 ans, né à Kollno, étudiant très instruit et distingué, il a été reçu docteur en philosophie à Liepzig en 1876. ». ― 16 août : Metzentsoff, général et chef de la section de la haute police est poignardé au moment où il sortait d’une confiserie de la place Saint-Michel à Pétersbourg (brochure de l’imprimerie clandestine de Pétersbourg) : « Nous