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ASTRONOMIE. Le plus malfaisant des livres, la Bible précise et résume le mieux la conception géocentrique et anthropocentrique qui a fait, pour le malheur de l’humanité, de notre planète le centre de l’univers et de l’homme le roi de la Terre.

D’après la conception géocentrique, la Terre est plate et le Soleil, la Lune, ainsi que tous les astres tournent autour d’elle.

Cette cosmologie est encore à la base du Judaïsme, du Christianisme et de l’Islam, dont le Dieu féroce et sanguinaire créa, au commencement, les cieux et la terre, ensuite la lumière, puis il fit deux grands luminaires : le plus grand luminaire pour dominer sur le jour, et le moindre pour dominer sur la nuit ; il fit aussi les étoiles et les mit dans l’étendue des cieux, pour luire sur la terre. Après cela, Dieu créa les poissons, les oiseaux et les autres animaux et finalement l’homme à son image et la femme à celle de l’homme pour bien marquer son infériorité. Il les chassa ensuite du paradis, où il les avait placés, pour avoir mangé les fruits de l’arbre de la vie et s’être livrés aux joies des sens.

Savoir et aimer, c’est là le fameux péché originel pour lequel Adam et Ève furent condamnés avec toute leur descendance, les hommes à travailler à la sueur de leur front, les femmes à enfanter dans la douleur.

Mais l’homme, dont l’ignorance et l’épouvante des phénomènes qu’il ne savait pas s’expliquer et encore moins combattre avaient créé les dieux, parvint aussi à les maîtriser par un antidote puissant, la science. Heureusement il était moins féroce que les monstres qu’avait enfantés son cerveau apeuré et le besoin de repos, de rêve, de méditation et de réflexion fraya la voie à la plus belle des sciences, l’astronomie.

C’est sous le ciel étoilé des rives de la Méditerranée que naquit la science des astres qui enseigna à l’homme le rythme des saisons, l’harmonie des mouvements célestes et la grande solidarité de la nature en éternel devenir, promesse et gage de fraternité universelle.

C’est en Chaldée qu’on a trouvé les plus anciens parchemins de la noblesse de l’astronomie et qu’on a pu reconstituer la plus vieille date historique que nous possédons. L’éclipse choisie par ce peuple comme point initial d’un des cycles lunaires nous ramène à 13.442 années avant l’an 1900 et on admet que cette date correspond à une coïncidence entre une éclipse solaire et le lever de l’étoile Sirius.

Les Chaldéens imaginèrent les premiers la division du cercle en 360 degrés, du degré en 60 minutes, de la minute en 60 secondes et de la seconde en tierces. Ils créèrent la science astronomique et ce sont eux qui, dans leurs calendriers, divisèrent l’année en 365 1/4 jours, en 12 mois, la semaine en 7 jours consacrés aux sept planètes connues alors ; le jour en 24 heures, l’heure en 60 minutes et la minute en 60 secondes. Les Chaldéens furent aussi des navigateurs émérites et la preuve qu’ils ont été dans les régions équatoriales résulte du fait qu’ils racontent avoir vu l’étoile polaire à l’horizon.

Il y a environ 4200 ans, des émigrants occidentaux, les Bak-Sing, avaient fait leur entrée en Chine par les frontières du Nord-Ouest. Ces émigrants ont dû passer par les voies qui devinrent plus tard et dès l’antiquité les deux grandes routes qui liaient l’Occident à l’extrême-Orient. Ces routes sont celles du Jade, qui passait par le midi (lat. 40 à 45) et celle de la Soie, qui passe par Terek-Davan.

Ces Bak-Sing, représentants du peuple des Bak, vivaient autrefois en Chaldée, sur le bas fleuve de l’Euphrate et ont, dans leurs diverses étapes, laissé leur nom à beaucoup de villes et de lieux, tels que Bac-Tres, Bactriane et Bagdad.

Ce sont ces Bak qui ont importé en Chine les arts, les métiers et l’écriture ; c’est d’eux également que les

anciens Chinois apprirent à préciser la longueur de l’année solaire et à la diviser en 12 mois et 4 saisons. L’ère chinoise remonte à 2637 ans avant Jésus-Christ ; le siècle chinois vaut 60 ans, les mois chinois sont lunaires et subdivisés en périodes de 7 et 5 jours et la journée est partagée, irrationnellement comme chez nous, en deux fois 12 heures (Depuis la République, la Chine a pris le calendrier grégorien.). C’est en se croisant avec les aborigènes que les Baks, peuple chaldéen, formèrent l’admirable nation chinoise.

Plusieurs éclipses observées par les Chinois dès les temps les plus reculés et leur connaissance depuis mille ans avant Jésus-Christ du Gnomon, c’est-à-dire de l’instrument qui sert à mesurer la hauteur du Soleil et à marquer les heures, en indiquant la longueur et la direction de l’ombre projetée, les tables astronomiques, qui remontaient à une haute antiquité trouvées chez les Indiens, des monuments couverts de signes astronomiques et l’orientation parfaite, astronomique également, des pyramides chez les Égyptiens, font remonter l’astronomie aux premiers temps de l’histoire.

Mais c’est aux Grecs surtout, à ce peuple merveilleux de l’antiquité, qu’il faut attribuer les premières notions véritablement scientifiques de l’astronomie. Pythagore admettait la sphéricité de la Terre tout en la considérant encore comme immobile au centre du monde et Hipparque, le plus célèbre des astronomes de l’école d’Alexandrie dont les travaux furent coordonnés par Ptolémée dans l’Almageste, découvrit le premier, vers 150 avant J.-C., la précession des équinoxes, partagea les cieux en quarante constellations, donna des noms aux astres, découvrir la parallaxe des planètes, détermina la latitude d’un grand nombre de lieux et fixa le premier degré de latitude aux Canaries.

L’astronomie véritablement scientifique était fondée et Cordou et Samarkand, c’est-à-dire la civilisation arabe et la plus fameuse école, vers 1420, sous Ulug-bey, de mathématique et d’astronomie préparèrent et hâtèrent la Renaissance, la découverte de l’imprimerie, de l’Amérique, de la circumnavigation, par Magellan, de la Terre en 1521 et la conquête scientifique des premiers éléments de la position exacte de notre planète dans l’Univers par Copernic, les lois de gravitation par Kepler et Newton et de la cosmogonie réelle par Laplace.

L’astronomie moderne est désormais la science des sciences, car en traitant des corps célestes, des étoiles et des astres, elle embrasse l’univers entier.

Contrairement aux religions, balbutiements infantiles, qui conçoivent le monde sous un angle dualiste avec un Dieu, monarque des monarques, régnant sur des hiérarchies grouillantes qui se superposent, se combattent et s’éliminent, l’Univers, pour la science moderne, est, selon la belle expression de Gœthe « weder Kern noch Schale, alles mit einemmale », c’est-à-dire cause et effet, centre et périphérie en même temps.

L’Univers est la République dans le temps et dans l’espace, la République sans Dieu ni maîtres qui n’obéit qu’aux lois naturelles qui lui sont inhérentes et dont l’analyse spectrale a prouvé, il y a une soixantaine d’années, l’unité constitutive.

La base constitutive de l’Univers : l’éther, matière translucide et extrêmement ténue qui remplit les espaces intersidéraux, est éternel et considéré comme invariable ; ses manifestations de vie, palpables pour nous, sont essentiellement transitoires, fugitives et toutes, depuis les voies lactées et les soleils géants jusqu’aux infiniment petits — il y aurait trente quintillions d’atomes dans un millimètre cube — soumis à la loi de la naissance, de la croissance, de l’apogée, du déclin et de la dissolution que nous appelons la mort.

Tous les astres sont égaux et dissemblables comme les feuilles d’un arbre.

Le temps éternel et l’espace infini, deux phénomènes