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France (Comité de défense syndicaliste), de la Hollande, de l’Italie, du Mexique, de la Norvège, du Portugal, de la Russie (la minorité), de la Suède, de l’Espagne, de la Tchécoslovaquie (la minorité). La déclaration de principes y fut adoptée, les statuts élaborés, et le nom de l’Union fédérale établi : l’Association Internationale des Travailleurs.

Ainsi ressuscita l’A. I. T., ceci non seulement de nom, mais aussi comme essence. La déclaration de principes et les statuts de l’A. I. T. portent :

1. Introduction

« La lutte séculaire entre exploités et exploiteurs a pris une amplitude menaçante. Le Capital tout puissant, chancelant pour un moment après la guerre mondiale et dévastatrice, surtout après la grande révolution russe et les révolutions — bien que moins imposantes — de la Hongrie et de l’Allemagne, relève sa tête hideuse. Malgré les luttes intestines qui déchirent la bourgeoisie et le capitalisme cosmopolite, ces derniers sont en bonne route pour s’entendre afin de se jeter avec plus d’union et plus de force sur la classe ouvrière et l’attacher au chariot triomphant du Capital.

« Le Capitalisme s’organise, et de la défensive dans laquelle il s’est trouvé il repasse à l’offensive sur tous les fronts contre la classe ouvrière épuisée par les guerres sanglantes et les révolutions manquées. Cette offensive a son origine profonde dans deux causes bien déterminées : d’abord la confusion des idées et des principes, qui existe dans les rangs du mouvement ouvrier, le manque de clarté et de cohésion sur les buts actuels et futurs de la classe ouvrière ; la division en camps innombrables, souvent ennemis, — en un mot la faiblesse et la désorganisation du mouvement ouvrier. Ensuite et surtout la déroute subséquente de la Révolution Russe qui, au moment de son éclosion, en raison même des grands principes énoncés par elle en Novembre 1917, avait soulevé les plus grands espoirs chez tous les prolétaires du monde, et qui est retombée au rang d’une révolution politique ayant servi à maintenir la conquête du pouvoir étatiste aux mains du parti communiste, dont le seul but est de monopoliser dans ses mains toute la vie économique, politique et sociale du pays. Cette déviation d’une révolution sociale en une révolution politique a eu pour résultat une hypertrophie du socialisme étatiste dont la conséquence a été le développement d’un système capitaliste aussi exploiteur et aussi dominateur que tout autre système d’origine bourgeoise. La nécessité de rétablir le capitalisme en Russie a été l’enjeu du capitalisme mondial. Le socialisme étatiste, dénommé « communisme », a sauvé le capitalisme bourgeois en faisant appel à son aide pour… sauver la révolution !

« C’est ainsi que, grâce à ces deux éléments désorganisateurs — la confusion dans les rangs du prolétariat et le bolchévisme capitaliste — le gros capital industriel et foncier sent ses forces s’accroître et ses chances de renaissance augmenter.

« Contre cette attaque serrée et internationale des exploiteurs de tout aloi, il ne reste qu’un seul moyen : c’est l’organisation immédiate de l’armée prolétarienne dans un organisme de lutte embrassant tous les ouvriers révolutionnaires de tous les pays en un seul bloc granitique, contre lequel viendraient se briser toutes les entreprises capitalistes et qui finirait par les écraser sous son poids immense.

« Plusieurs tentatives ont déjà été faites dans ce sens. Deux de ces tentatives espèrent encore y réussir : ce sont les deux Internationales dites d’Amsterdam et de Moscou ; mais les deux portent en elles le germe empoisonnant et autodestructeur. L’Internationale d’Amsterdam, perdue dans le réformisme, considère

que la seule solution du problème social réside dans la collaboration des classes, dans la cohabitation du Travail et du Capital et dans la révolution pacifique patiemment attendue et réalisée, sans violence ni lutte, avec le consentement et l’approbation de la bourgeoisie. L’Internationale de Moscou, de son côté, considère que le Parti Communiste est l’arbitre suprême de toute révolution, et que ce n’est que sous la férule de ce parti que les révolutions à venir devront être déclenchées et consommées. Il est à regretter que dans les rangs du prolétariat révolutionnaire conscient et organisé il existe encore des tendances supportant ce qui, en théorie comme en pratique, ne pouvait plus tenir debout : l’organisation de l’État, c’est-à-dire l’organisation de l’esclavage, du salariat, de la police, de l’armée, du joug politique, — en un mot de la soi-disant dictature du prolétariat qui ne peut être autre chose qu’un frein à la force expropriatrice directe et qu’une suppression de la souveraineté réelle de la classe ouvrière et qui devient, par là, la dictature de fer d’une clique politique sur le prolétariat. C’est l’hégémonie du communisme autoritaire, c’est-à-dire la pire forme de l’autoritarisme, du césarisme en politique, de la complète destruction de l’individu.

« Contre l’offensive du Capital d’un côté, contre les politiciens de toute envergure de l’autre, les ouvriers révolutionnaires du monde doivent donc dresser une vraie association internationale des travailleurs dont chaque membre saura que l’émancipation finale des travailleurs ne sera possible que lorsque les travailleurs eux-mêmes, en tant que travailleurs, dans leurs organisations économiques, seront préparés non seulement à prendre possession de la terre et des usines, mais aussi à les gérer en commun et faire de telle sorte qu’ils soient en état de continuer la production.

« Avec cette perspective devant lui, le Congrès International des Syndicalistes Révolutionnaires, réuni à Berlin en décembre 1922, déclare sienne la déclaration de principes suivante, élaborés par la Conférence Préalable des Syndicalistes Révolutionnaires (Juin, 1922) :

2. Principes du Syndicalisme Révolutionnaire

« 1. Le syndicalisme révolutionnaire, se basant sur la lutte de classe, tend à l’union de tous les travailleurs manuels et intellectuels dans des organisations économiques de combat luttant pour leur affranchissement du joug du salariat et de l’oppression de l’État. Son but consiste en la réorganisation de la vie sociale sur la base du communisme libre, au moyen de l’action révolutionnaire de la classe ouvrière elle-même. Il considère que seules les organisations économiques du prolétariat sont capables de réaliser ce but, et s’adresse, par conséquent, aux ouvriers, en leur qualité de producteurs et de créateurs des richesses sociales, en opposition aux partis politiques ouvriers modernes qui ne peuvent jamais être considérés du point de vue de la réorganisation économique.

« 2. Le syndicalisme révolutionnaire est ennemi convaincu de tout monopole économique et social, et tend vers leur abolition au moyen de communes économiques et d’organes administratifs des ouvriers des champs et des usines sur la base d’un système libre de Conseils affranchis de toute subordination à tout pouvoir ou parti politique. Il érige contre la politique de l’État et des partis l’organisation économique du travail ; contre le gouvernement des hommes, la gestion des choses. Il n’a pas, par conséquent, pour but la conquête des pouvoirs politiques, mais l’abolition de toute fonction étatiste dans la vie sociale. Il considère qu’avec le monopole de la propriété doit aussi disparaître le monopole de la domination, et que toute forme d’État, la forme de la « Dictature du Prolétariat » y comprise, ne peut jamais être un instrument