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nous examinerons tous les caractères des groupements sociaux qui résultent de l’application du principe d’association.

Bien entendu, l’association n’est pas particulière à une classe sociale. Les patrons comme les ouvriers utilisent également l’association. — On peut même déclarer que l’association des patrons d’une part, prise en bloc, et l’organisation des ouvriers d’autre part, prise également comme ensemble, déterminent en fait les deux classes adverses irréductiblement dressées l’une en face de l’autre.

De même qu’il y a des syndicats ouvriers, des coopératives de production et de consommation ouvrières, il y a des syndicats et des coopératives patronaux. Les Trusts, les Cartels, les Consortiums sont des associations patronales formées sur le principe naturel.

Dans tous les domaines de leur activité, de leurs besoins, de leurs intérêts, les hommes s’associent. Toutes les manifestations de la vie sociale peuvent donner lieu à l’association.

Le heurt de ces associations rivales, sur le plan social, la discordance des intérêts des groupements opposés entraînent des conflits qui, à chaque instant, opposent tout ou partie des deux classes dans un milieu étendu ou restreint.

L’association est l’expression même de la vie et de ses nécessités inéluctables. C’est un acte auquel il est presque impossible de se soustraire, quelque idée qu’on puisse avoir sur le rôle de l’individu pris comme unité sociale.

Il y a aussi l’association ethnique. — C’est elle qui a formé, de gré au début, de force souvent par la suite, les hameaux, les villages, les villes, les provinces, les nations. La plus grande association sera réalisée, de plein gré, lorsque tous les humains n’auront qu’une patrie : le monde, qu’un seul sentiment : l’amour du prochain.

Ce sera, alors, l’association idéale, celle qui englobera toutes les autres en les faisant disparaître dans l’harmonie générale réalisée. Hélas ! nous n’en sommes pas là.

Pour en revenir à l’association ethnique, libre ou non, n’est-ce pas elle qui a engendré toutes les guerres du passé, pour de prétendus intérêts communs ? N’est-elle pas à l’origine du mot « patrie » ?

Qu’est-ce donc, en effet, que la patrie, sinon une association d’hommes qui sont censés avoir les mêmes intérêts, les mêmes besoins, les mêmes mœurs, parce qu’ils parlent la même langue et habitent le même lieu ?

N’est-ce pas au nom de cette association monstrueuse, formée de gens dont les intérêts réels sont totalement dissemblables, que l’on constitue, dans chaque pays, des armées qui se heurtent en des chocs gigantesques, semant la mort et la misère ?

Dans un autre ordre d’idées, on peut constituer aussi des associations d’éducation, de sport, de divertissement, d’art, etc…

Les ouvriers et les patrons ont les leurs. Les prêtres des différents cultes ne négligent, pas davantage que les laïcs, la pratique de l’association dans les domaines du sport et de l’éducation.

L’association, enfin, a donné naissance à une tendance de l’anarchisme : les associationnistes. Ces camarades conçoivent, non sans raison, que l’association peut être limitée à l’accomplissement d’une tâche précise, n’être que momentanée, qu’elle peut être dissoute pour quelque cause que ce soit, par consentement mutuel, libre aux associés de la pratiquer à nouveau ou non.

Les associationnistes, contrairement à l’individualiste intégral, pensent que, dans certains cas, l’anarchiste peut volontairement s’associer à d’autres individus, même non anarchistes, pour la combinaison et la concordance des efforts de plusieurs individus, dont les intérêts sont momentanément communs. Le contrat qui

lie les associés les uns aux autres est purement moral. Il n’en est pas moins précis dans la durée et l’application. Il cesse de jouer lorsque l’œuvre commune ou particulière à chacun, par l’usage, est terminée.

Les associés peuvent se réunir à nouveau s’ils le désirent, se joindre à d’autres individus ou à quelques-uns seulement de leurs compagnons du début ou à d’autres. Ils sont entièrement libres de pratiquer ou non tel ou tel genre d’association.

D’une manière générale, on peut donc dire que l’association est la plus certaine des manifestations vitales des individus dans toutes les circonstances, pour tous les buts, par tous les moyens.

L’évolution humaine exige d’ailleurs qu’on développe sans cesse l’esprit d’association en sériant, en classant les manifestations auxquelles il donnera lieu, suivant que l’association sera pratiquée par l’une ou l’autre classe.

L’association des producteurs est leur meilleure arme de défense et d’attaque. C’est leur outil de libération le plus puissant. Groupés en associations, les ouvriers peuvent espérer vaincre leur adversaire de classe. Isolés, ils seront sûrement vaincus par lui.

L’association est donc une nécessité dominante. Son principe est d’ailleurs admis à peu près par tous les individus qui serrent de près les réalités et qui connaissent, pour les avoir éprouvées, les difficultés de l’existence. — Pierre Besnard.

(Voir syndicats ouvriers et patronaux, coopératives, groupements d’affinité, cartel, trust, consortium, congrégation, etc…)


ASSOCIATION INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS. Nom d’une union internationale de tous les ouvriers ayant pour but l’appui mutuel dans la lutte pour l’amélioration des conditions de la vie et pour la conquête de la société socialiste.

Hist. En 1864, à l’occasion d’une exposition internationale à Londres, des ouvriers français et anglais se réunirent dans la salle Saint-Martin, afin de réaliser l’idée d’une union étroite des ouvriers de tous les pays. Un Comité fut formé, qui eut la mission de rédiger un programme et les statuts pour l’Union internationale. Comme membre de ce Comité, fut élu, entr’autres, Karl Marx, qui prenait part aux travaux de l’Union. Le premier Congrès international régulier eut lieu du 3 au 8 septembre 1866, à Genève (Suisse). Une organisation internationale y fut définitivement constituée. Elle adopta le nom de : « Association Internationale des Travailleurs » (A. I. T.). À la tête de l’A. I. T. se trouvait le Conseil Général qui devait assurer le lien entre les sections séparées de l’organisation. Comme but de l’A. I. T., le programme spécifiait l’émancipation économique de la classe ouvrière. Les statuts laissèrent à chaque section la pleine indépendance, ainsi que la liberté d’entrer directement en relations avec le Conseil général. Le deuxième Congrès eut lieu à Lausanne, du 2 au 7 septembre 1867. C’est au troisième Congrès, à Bruxelles, du 6 au 13 septembre 1868, que la grève générale fut désignée comme l’unique moyen d’empêcher la guerre et d’assurer la paix. Le quatrième Congrès eut lieu à Bâle, du 5 au 12 septembre 1869. C’est à ce Congrès que commencèrent les grandes discussions entre Marx et Bakounine. Le premier préconisait le centralisme, le parlementarisme et l’action politique comme moyen de lutte. Le second prêchait l’antiétatisme et le fédéralisme. C’est à ce Congrès qu’on vit, pour la première fois, le grand succès de l’idée fédéraliste et l’importance des unions ouvrières. C’est là que fut affirmée l’idée de l’annulation de l’État et de son remplacement par des unions de producteurs.

Les débuts, pleins de succès, de Bakounine à l’Internationale, ainsi que son influence croissante, amenè-