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communes : l’institution du servage fut ébranlée et amoindrie, la nécessité de l’assistance aux indigents redevint nécessaire.

C’est à cette époque que, tant en France qu’en Europe, on vit se fonder, de nombreux établissements hospitaliers, sous le titre de maladreries ou léproseries.

En effet, les croisés avaient rapporté d’Orient la terrible maladie qu’est la lèpre et l’avaient propagée, comme plus tard Christophe Colomb rapporta d’Amérique, la syphilis, laquelle, sous François Ier, grâce à la campagne d’Italie, se propagea terriblement en France.

C’est en 1544 que fut créé, par François Ier, le bureau général des pauvres, point de départ de l’Assistance publique actuelle. Celui-ci fut chargé de lever sur les seigneurs, les ecclésiastiques, les communautés et tous les propriétaires, une taxe d’aumône pour l’entretien des établissements où l’on recevrait des malades indigents.

Quelques années plus tard, en 1561, par une ordonnance royale rendue à Moulins, est instituée l’Assistance communale. Elle prescrit entr’autres choses :

« Les pauvres de chaque ville, bourg ou village, seront nourris et entretenus par ceux de la ville, bourg, ou village, dont ils sont natifs et habitants ;

« Il leur est défendu de vaguer, ni de demander l’aumône ailleurs du lieu duquel ils sont, et à ces fins, seront les habitants tenus à contribuer à la nourriture desdits pauvres selon leurs facultés, à la diligence des maires, échevins, conseuls et marguilliers des paroisses. »

Plus tard, Louis XIV voulut que toutes les branches de l’administration publique fussent soumises à une impulsion unique : la sienne. Il organisa l’hôpital général qui centralisait la direction de cinq hôpitaux de Paris : La Pitié, Le Refuge, Scipion, Bicêtre, et la Savonnière. En 1662, cette organisation fut généralisée à tout le pays, et en 1698, la gestion des hôpitaux, jusqu’alors confiée au clergé ou à des religieux, fut définitivement confiée à des administrateurs presque tous laïques. Chaque hôpital fut administré par un bureau composé du premier officier de justice du lieu, du Procureur du Roi, du seigneur, d’un échevin ou d’un consul, du curé et d’un certain nombre des principaux bourgeois élus par les notables de la commune.

Sous Louis XVI, il existait en France, 2.185 hôpitaux et hospices qui recevaient environ 105.000 malades ou infirmes. On comptait, en outre, 33 dépôts de mendicité, renfermant une population d’environ 6.650 personnes de tout âge et de tout sexe.

Avec la Révolution de 1789, l’assistance entre dans une nouvelle phase. Les assemblées révolutionnaires nommèrent un comité pour l’administration des secours publics et pour l’extinction de la mendicité. La Rochefoucault-Liancourt fut chargé de faire un rapport. Après de longues et minutieuses recherches, il dut constater l’insuffisance des secours donnés dans les hôpitaux et l’inutilité absolue des dépôts de mendicité, au sortir desquels, écrit-il, rejeté dans la société, sans aucune ressource et peut-être moins bon qu’il n’y était entré, l’assisté retombait toujours dans le crime ou l’affreuse misère.

Lorsque la Convention eut aboli la royauté et proclamé la République et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, dont l’article 23 proclame le principe : « Que les secours publics sont une dette sacrée que c’est à la loi d’en déterminer l’étendue et l’application », un décret fut rendu très peu de temps après. Il portait que la Nation se chargeait de l’éducation physique et morale des enfants abandonnés, qui devaient, dorénavant, être désignés sous le nom d’orphelins ; il prescrivait dans chaque district la création d’une maison destinée à recevoir les filles enceintes et

leur accordait des secours pour élever leurs enfants. Les vieillards indigents devaient être secourus aussitôt que l’âge ne leur permettait plus de trouver par le travail des ressources suffisantes contre le besoin. Les secours étaient de deux espèces : secours à domicile, secours dans les hospices, ils ne pouvaient être obtenus cumulativement.

Le 9 thermidor marqua le point de départ d’une réaction violente en matière d’assistance, et l’on put entendre du haut de la tribune, le représentant Delecloy déclarer : « Il est temps de sortir de l’ornière profonde où une philanthropie exagérée nous arrête. Le pauvre n’a droit qu’à la commisération générale. Posons en principe que le Gouvernement ne doit intervenir dans la bienfaisance publique, que comme exemple et comme principal moteur, c’est-à-dire en mettant le pauvre sous la sauvegarde de la commisération générale et de la tutelle des gens de bien ».

Dès lors, l’esprit qui présida à l’assistance sociale ne fut plus le même. Il n’eut plus rien de commun avec celui des grandes assemblées révolutionnaires. Les Gouvernements qui se succédèrent en France : Directoire, Empire, Restauration, Gouvernement de Juillet, etc…, ne virent plus guère dans les mesures à prendre que l’intérêt de l’ordre public, de la sécurité pour les personnes et les propriétés.

C’est encore présentement l’esprit qui préside, bien que l’assistance ait pris des formes multiples.

L’Assistance est de deux natures : hospitalière et domiciliaire. Nous étudierons la première au mot « hôpital », la seconde est caractérisée par le bureau de bienfaisance, qui, sauf à Paris, forme toujours un organisme distinct et indépendant de l’hôpital.

Le Bureau de Bienfaisance fut créé par la loi du 7 frimaire an V, qui lui attribua le droit de perception d’un décime par franc en sus du prix du billet d’entrée dans les bals, concerts et autres lieux d’amusement public.

L’objet des bureaux de bienfaisance (appelés bureaux de charité de 1814 à 1831) est de distribuer, à domicile et autant que possible en nature, des secours aux indigents et de faire soigner dans le sein de leur famille les indigents malades ou infirmes.

Au cours des vingt-cinq dernières années, les organismes d’assistance ont pris de l’ampleur et sont devenus des organismes extrêmement complexes. On peut les diviser en trois parties : 1o assistance aux mineurs ; 2o assistance aux adultes ; 3o assistance aux vieillards et aux incurables.

Nous nous contenterons de signaler les principales branches de ces parties.

Assistance aux mineurs : on entend par assistance aux mineurs les essais de protection prénatale (loi du 15 juillet 1893 sur l’assistance médicale gratuite, du 27 novembre 1909 garantissant le travail aux femmes en couches, 15 mars 1910 congé de deux mois payé aux institutrices, repos des femmes en couches, lois du 17 juin 1913, 2 décembre 1917).

Toutes ces lois sont insuffisantes et n’accordent que des secours qui ne répondent pas au but à atteindre. L’État bourgeois compte surtout sur des œuvres privées pour compléter la sienne.

La protection de l’enfant du premier âge (on entend par là de la naissance à l’éruption de la vingtième dent) : même situation, fatras de lois, de règlements prévoyant des secours, des primes d’allaitement, la protection de l’enfant séparé de sa mère, etc…, avec des moyens insuffisants.

Cette branche comprend, en outre, l’aide aux familles nombreuses, les enfants assistés, l’enfance moralement abandonnée, les enfants infirmes et anormaux.

Dans cette branche de l’assistance, les pouvoirs