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Reims en 1211, Amiens en 1220. Puis le zèle des donateurs et des ouvriers se ralentit et s’arrêta.

On distingue plusieurs variétés de style gothique, suivant les époques, les provinces, les goûts. Au style de transition mal dégagé des lourdeurs romanes, succéda le gothique lancéolé, au temps de Philippe-Auguste et de Saint-Louis. Au temps de Philippe le Bel apparaît le gothique rayonnant d’une légèreté presque excessive et les architectes couvrent les monuments de dentelles de pierre. Plus tard, le gothique flamboyant, plus audacieux et plus fleuri encore. En Normandie, à Coutances et à Bayeux, on conserve au-dessus de la croisée du transept et de la nef, une tour lanterne et on donne aux édifices une allure fière, robuste et simple.

Notre-Dame de Paris, malgré la lenteur de sa construction (1163-1315), présente une unité absolue. Elle donne une forte impression d’harmonie et d’équilibre avec le magestueux développement de sa nef, longue de 130 mètres.

Notre-Dame de Chartres (1190-1260) est moins longue que sa sœur parisienne, mais elle est aussi haute et beaucoup plus large.

Notre-Dame d’Amiens, achevée en 1269 a une lourde façade et des tours trop courtes, mais sa nef est d’une largeur et d’une légèreté merveilleuse.

Nous ne parlerons que pour mémoire de Notre-Dame de Reims, plus légère, plus élancée et plus ornée que ses semblables, la guerre stupide l’a mutilée et a brisé les 530 statues qui la décoraient.

Plusieurs églises gothiques s’écartent du type régulier. La Sainte Chapelle comprend deux salles superposées, celle de Beauvais ne comprend que le chœur, celle d’Albi a l’aspect d’une forteresse.

La fameuse abbaye du Mont St-Michel est un chef-d’œuvre d’architecture gothique.

En Angleterre, en 1174, un architecte français construit Cantorbéry. Il faut citer Salisburg (1220-1258), Westminster (1245-1269), Burgos en Espagne, Milan en Italie, Strasbourg en Alsace, Cologne en Allemagne, Upsal en Suède. L’art français pénétra en Bohême, en Hongrie, en Chypre, en Syrie.

Le chef-d’œuvre de l’architecture militaire au Moyen-Âge, est le Château de Pierrefonds, près de Compiègne. Il fut construit par Louis d’Orléans, reconstruit par Viollet-le-Duc, pour Napoléon III.

Le seizième siècle est la période de l’histoire où l’influence de l’Italie et de l’antiquité classique, rayonnant sur l’Europe tout entière, a produit la plus prodigieuse floraison de chefs-d’œuvre. En Italie même, pendant cette période de Renaissance, l’art va s’étioler et disparaître, mais sous l’influence de Léonard de Vinci, de Raphaël et de Michel Ange, l’Italie restera la source de beauté.

Ce fut Raphaël qui, après la mort de Bramante, dirigea comme architecte, les travaux du Vatican et de Saint-Pierre-de-Rome.

Michel Ange fut architecte un peu malgré lui. Il avait construit à Florence, la façade de San-Lorenzo et la chapelle des médicis. À Rome, il éleva la Porta Pia, l’église Ste-Marie-des-Anges, taillée dans les thermes de Dioclétien, les édifices qui encadrent la place du Capitole. En 1546, à l’âge de 72 ans, Paul III le nomma architecte des travaux de Saint-Pierre. Il reprit les plans de Bramante en leur donnant plus de grandeur et il lança dans les airs, une prodigieuse coupole, haute de 131 mètres.

Les premiers monuments de la Renaissance furent surtout des monuments civils : la délicieuse Farnésine, œuvre de Peruzzi et de Raphaël, le palais Farnèse, élevé par San Gallo. Jules Romain construisit, à Mantoue, le célèbre palais du T. À Venise, Sansovino, dans

le palais Corner, la Zecca, la Bibliothèque. Puis l’influence de l’antiquité se fait tyrannique. L’architecte Vignole, le « Vitruve moderne » donne dans l’église du Gésu, à Rome, le modèle du style jésuite, pompeux et froid. Son traité des cinq ordres devint le bréviaire des architectes, et eût la plus fâcheuse célébrité. On superposa les ordres, on multiplia les colonnades et on prétendit tirer de l’antiquité mal comprise les recettes d’un art applicable à tous les pays. Fontana élève à Rome, les palais solennels et froids du Quirinal et du Latran, et Vasari les majestueux Uffizi de Florence. Palladio, de Vicence a exercé plus d’influence par son traité d’architecture que par ses constructions.

Les seigneurs français qui suivaient au-delà des Alpes, leurs rois aventureux, prenaient en Italie, le goût d’une vie de luxe embellie par l’art.

Charles VIII amena les architectes Fra Giocondo et Dominique de Cortone. Louis XII ne put attirer Léonard de Vinci, mais il installa en France une colonie de sculpteurs italiens, les Justes. François Ier fit venir le Vinci, André del Sarto, puis l’architecte Serlio.

Il n’y eût pas en France une action subite de l’art italien ni un parti pris d’imitation, mais une transformation fort lente, car l’art français n’abdiqua pas et sut, même en subissant l’influence nouvelle, garder son originalité.

Laissons la parole à Nouvel, professeur à l’École Alsacienne, sur cette époque :

« Nos architectes restent fidèles aux procédés de construction du Moyen-Âge. Ils continuent à employer l’arc-brisé et la voûte en ogives, à construire des escaliers en saillie, des tours garnies de créneaux, des toits élevés surmontés de hautes cheminées. L’influence de l’Italie ne se montre que discrètement, çà et là, par un arc en plein cintre, des chapiteaux corinthiens, des arabesques. Dans l’architecture religieuse, le gothique persiste résolument. La « Tour de Beurre » de la cathédrale de Rouen, le portail sud de la cathédrale de Beauvais, la Tour St-Jacques, à Paris, le clocher neuf de la cathédrale de Chartres sont des édifices gothiques. L’architecture civile elle-même conserva le style français et n’admit guère d’éléments classiques et italiens que dans la décoration. Cette période de transition, qui dure jusque vers 1520 et qu’on peut appeler la période Louis XII a produit des œuvres exquises, comme le corps d’entrée du château de Blois, la partie la plus ancienne du château de Chenonceaux, l’hôtel Cluny, à Paris, le Palais de Justice et l’hôtel de Bourgthéroulde, à Rouen. Dans tous ces édifices à toits élevés, à tourelles saillantes et à la silhouette si française, c’est à peine si quelques arabesques, quelques niches à statues trahissent une mode nouvelle.

« Avec François Ier, qui fût un grand bâtisseur, apparaît le style nouveau. Il est fort difficile de le définir, car ce qui caractérise l’art de cette époque, c’est son extrême variété qui est un de ses charmes. On employa davantage la voûte en berceau, les motifs de décoration antiques, on tendit à faire les façades plus régulières, mais, somme toute, on ne peut attribuer grande influence aux quelques Italiens qu’employa François Ier. On garde les toits à pente rapide avec les cheminées monumentales, mais on substitue aux étroites fenêtres gothiques, de larges ouvertures que l’on coupe d’une croix de pierre pour qu’elles ne paraissent pas éventrer l’édifice. L’aîle nord du château de Blois témoigne déjà d’une certaine recherche de la simplicité et de la pureté des lignes. L’escalier si richement décoré, dont la cage fait saillie dans la cour intérieure, est une des merveilles de la Renaissance. Mais le bijou, la grande merveille, c’est Chambord, le château de rêve que François Ier fit élever à partir de 1519, on ne sait par quel caprice, au milieu des solitudes de la Sologne,