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JEAN-PAUL

succès. Ensuite, une voix qui tente de se grossir crie à tue-tête : « Benedicamus Domino ». Les voisins s’éveillent, mais comprennent vite qu’il s’agit d’une farce. Un groupe se met alors à réciter des bouts de phrases de « L’Aiglon » et entreprend une parodie de la fameuse scène de Wagram :

Mon front saigne…

Ma jambe est morte…

Mon bras pend…

Dragon, tends-moi les mains…

Je n’en ai plus…

Un violent éclat interrompt la tragédie. Un projectile a brisé une ampoule électrique. Chut ! Silence parfait… Plus un mot, pas un rire. On écoute du côté des cellules… Personne. Le chahut recommence avec encore plus de liberté et moins de prudence. Un morceau de savon lancé fortement heurte le mur. Nouveau silence… Tout le monde dort et ronfle, parce qu’un surveillant vient de sortir. Il marche droit vers la porte afin d’allumer les lampes. Impossible. Par-ci, par-là, de petits rires, qui ne peuvent pas se contenir, soulignent les vains efforts du pauvre maître qui ne comprend rien et quitte bientôt le dortoir. « Il a peur ! » insinue quelqu’un. Et le « diable » recommence de plus belle : des billes roulent à terre, un charivari d’enfer éveille le dortoir entier… Deux maîtres surviennent, portant des