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LA SORTIE

les bouches. Quelques élèves partis tout de suite, impatients d’entrer en possession de la liberté, revenaient saluer leurs amis et prendre congé de leurs maîtres. Chacun riait et badinait.

Au milieu de tout ce tapage, le Père Beauchamp, un des directeurs spirituels de la maison, disait au revoir à ses chers pénitents et serrait fort les mains confiantes qui se tendaient vers lui comme pour s’accrocher à sa prière. Grand et mince, portant une soutane ordinaire avec un chapelet passé dans la ceinture, il était chauve, mais avait le tour de ramener vers le sommet du crâne quelques reliquats de cheveux oubliés par les ans sur les tempes. C’était, au dire des élèves, sa seule vanité. Visage osseux et blême, physionomie à la fois austère et bienveillante. Deux grands yeux noirs brillaient dans l’enfoncement de leur orbite profonde, de chaque côté d’un nez par trop volumineux. Le Père causait, plus gai que d’habitude, malgré la tristesse intérieure qu’il ressentait au départ de ses enfants.

Jean-Paul parut alors au grand escalier central qui descend sur le corridor ; il passa rapidement à travers la foule et entra dans le parloir. Sa mère l’embrassa de nouveau. Edmond lui tendit la main avec réserve. Étrange chose : il était un peu intimidé maintenant, en présence de son jeune frère que naguère encore il asseyait sur ses fortes épaules. Il est vrai que Jean-Paul, déjà humaniste, faisait de la poésie, et que sa corres-