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fait le charme du Théâtre-Français. Elle est petite, ramassée, sans commencement, ni fin, sans axes, sans frontières bien tracées, et cependant le promeneur ou l’étranger ne savent comment s’y prendre pour en faire le tour.

Aussi bien, chaque mètre est différent de l’autre. Le client de la Civette n’est pas celui de la Librairie Stock. Celui qui descend à l’hôtel du Louvre n’entre jamais au Café de la Régence, préfère l’Opéra à la Comédie et achète ses livres dans les gares, Le fonctionnaire qui prend son apéritif au Rohan ne lève même pas les yeux sur l’Univers. La fleuriste du théâtre, celle qui tient commerce sous le buste de Larroumet, au milieu de débris de dieux et de fragments de décors, ne connaît pas la femme du kiosque et n’a sans doute jamais mis les pieds dans la salle.

Un excellent endroit pour observer les allées et venues de cette place, qui a l’âme d’un manège et la majesté d’un musée, est le café de l’Univers, qui se recommande pour sa brandade du vendredi. On y est comme au théâtre, non pas seulement parce que les acteurs du Français y tiennent conciliabule autour d’une choucroute, mais parce qu’on aperçoit de sa place un spectacle qui ne lasse jamais.

Au fond, se dessine la façade des Magasins du Louvre. Au premier plan, le chasseur de l’hôtel du Louvre évoque un souffleur de théâtre. À gauche, on aperçoit une Muse qui somme Alfred de Musset de bien vouloir descendre de son socle et de consentir à perdre une soirée au Théâtre-