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Histoire de France, studios. Et pourtant, il était plus que certain que le plus important de ces personnages n’avait ni bureaux, ni employés, ni domicile. La grande affaire était de monter une société. On commence par engager en principe des acteurs, on téléphone à des distributeurs, on fait miroiter de gros bénéfices possibles devant les directeurs de salles, et l’on se procure ainsi une dizaine de mille francs, qui servent à régler des notes d’hôtel ou des taxis qui attendent. Puis, on cherche ce qui s’appelle un scénario, on écrit aux artistes, on décommande les distributeurs : On entre tout vivant dans un cauchemar de cafés-crème, d’annuaires téléphoniques, de projets, on croit à ce qu’on dit, on ne dit pas ce qu’on croit, on se satisfait de mots, de promesses, on re-commande des cafés-crème, on câble à des êtres imaginaires, qui acquièrent de ce fait une espèce d’existence, on attend des réponses, on caresse des esquisses de films propres à bouleverser Paris, et l’on s’aperçoit finalement qu’il est quatre heures de l’après-midi. Alors, on décampe, on va installer un camp de conversation dans un autre café, et l’on recommence à divaguer avec une abondance telle que le souci du lendemain n’ose jamais se lever dans l’âme…

Il est, au Select comme ailleurs, une clientèle de Parisiens sensés qui ont juste le temps d’avaler un apéro avant de déjeuner dans le quartier, des Parisiens qui travaillent sans espérer à faux et sur lesquels, cependant, ces rêveries, ce culot mono-