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beau jour, rue Boissy-d’Anglas, de part et d’autre d’une porte cochère où se tenait provisoirement un campement de… jeunes, une boutique louche à l’enseigne de Paris la Nuit. On commença par la vider comme un mulet, par l’asperger, avant d’y accueillir les gens du monde en état de prurit artistique. Le vrai « Bœuf » était né. Le vrai Bœuf fut celui de la rue Boissy d’Anglas. On y était un peu plus au large, un peu moins serré qu’à « Gaïa » et l’on y poussait de petits cris en y apercevant ces nouveautés dans le décor qui foisonnent aujourd’hui à Saint-Jean-Pied-de-Port ou à Mareuil-sur-le-Lay : lampes-appliques et abat-jour en parchemin. Dans le domaine spirituel, l’école Dada succédait au groupe des Six, et les belles snobs aux cuisses si douces chantaient :

Buvez du lait d’oiseau,
Mangez du veau !

Le « Bœuf » de la rue Boissy-d’Anglas était constitué par deux boutiques, un restaurant et un dancing, sortes de vases communicants entre lesquels, par la cour obscure, on faisait la navette en s’embrassant ou en se tapant, au sens le plus financier du terme. Le Tout-Paris qui ne peut tenir en place, qui s’ennuie, qui change dix fois de crèmerie dans la soirée pour fuir quelque chose qu’il ne fuira jamais, faisait régulièrement irruption au « Bœuf » et n’en bougeait plus. On voyait là le Bottin Mondain, le Sport, l’Annuaire