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vivait à Montmartre. Un cocher de fiacre avait fini par le dénicher dans l’ombre du Moulin de la Galette. Séduit par le décor, grisé par le charme de la population, par la couleur de la Montagne sacrée, Steinlen n’en voulut plus jamais « redescendre ». À quelque temps de là, bien avant la création de la Commune Libre de la Butte, de la Vache Enragée et autres corps constitués du dix-huitième arrondissement, Steinlen fut sacré citoyen de Montmartre. Il couchait jadis au Chat Noir avec Bruant et Jules Jouy, car le Chat Noir était connu à cette époque comme asile de nuit autant que comme cabaret.

Aujourd’hui Capitale des boîtes de nuit, Montmartre a été longtemps la plus charmante colonie de cafés que l’on puisse imaginer. Et une colonie peuplée de Français, ajoutait Jean Lorrain, qui venait retrouver au Rat Mort ses amis du Courrier Français, parmi lesquels naturellement Raoul Ponchon, resté homme de café envers et contre tout. Le Chat Noir et le Rat Mort accueillaient surtout les Parisiens illustres comme Forain, Chéret, Hermann Paul, tandis que les bohèmes parfaits se réunissaient dans des caboulots moins connus où l’on pouvait les admirer dans le costume même que leur assigne Murger : Le Mirliton, le Carillon, l’Âne Rouge, le Clou, Adèle, le Lapin Agile de Frédéric, déjà nommé, le Clairon de Sidi-Brahim, qui faisait rêver Mac Orlan, le Billard en Bois, le café Guerbois, chez le père Lathuile, sorte d’Académie des Beaux-Arts où présida Manet, la Nouvelle Athènes, et