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Quelques jours après la publication de ce texte, je reçus une invitation signée du nom d’un comte jadis célèbre et dont la famille avait donné des ministres aux rois de France, des évêques au clergé et des amiraux à notre marine nationale. Bref, un insigne personnage et qui me priait en termes excellents de bien vouloir me rendre chez lui pour parler du passé, des Parisiens que nous avions connus, des femmes pour lesquelles nos cœurs avaient bondi du temps qu’ils avaient des ressorts…

Le comte de F… habitait un minuscule hôtel du dix-septième arrondissement, que l’après-guerre avait orné d’une triperie et d’un bazar-marchand de couleurs dont s’honoraient les deux maisons voisines. Il en eût pleuré de chagrin tous les jours.

— Nous faire cela à nous, monsieur, s’écria-t-il après m’avoir introduit dans un salon où je reconnus du premier coup l’odeur si particulière des années d’avant-guerre, et ce je ne sais quoi de nonchalant qui traînait sur les meubles. Songez, continua-t-il, que, du temps de ce Montesquiou qui devait mourir lieutenant de la Légion en septembre 1915 ; de Boni de Castellane, qui fut notre dernier prince à ces étages de bon ton et de grand air où personne n’accède plus ; au temps de Fanny Read, qui veilla sur les derniers murmures de Barbey d’Aurevilly ; au