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retirer, comme une marée, toute la mer de problèmes que pose l’existence bourgeoise dans un appartement.

L’éclairage, la chaleur, le blanchissage, la teinturière, le « pressing », les contributions, les étrennes de la concierge, l’homme du gaz : tous ces fantômes qui errent autour de votre silhouette de locataire disparaissent. L’électricité n’est plus une partie du confort que l’on soit obligé de s’assurer moyennant signatures d’abonnement et paiements de quittances ; l’électricité y est donnée subitement, comme la pluie ou la chute des feuilles. C’est un bienfait des dieux. Cette supériorité que nous avons ainsi sur les autres mortels nous lie, nous autres citoyens de la république des hôtels, par une sorte de franc-maçonnerie.

Mon amie Mme Langlois, la veuve du savant, que je rencontre dans le hall, disposé en patio, du palace, le comte de Kerveguen, qui habitent la maison depuis des années ; tel étudiant cubain ; un oculiste de province venu dans le sixième arrondissement pour augmenter sa connaissance de l’œil ; le portier, le patron, la cousine du 64, le sommelier ; Lahoutie, de la délégation soviétique, sont pour moi plus que des voisins : des collègues. Ne sommes-nous pas tous affiliés à une société secrète qui s’est donné pour mission de résoudre un certain nombre d’énigmes : le petit déjeuner, le trousseau de clefs, le cirage, le quart Vichy, l’heure…

Étendu sur le lit de ma chambre, assuré de la