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Il ne tarda pas à avouer qu’il avait derrière lui une longue carrière de « voyeur », et exhiba bientôt un petit attirail d’instruments où dominaît la vrille…

Nous bûmes chacun deux doigts d’Anjou, assez gênés l’un et l’autre, mon interlocuteur s’étant aperçu qu’il n’appartenait pas à mon genre de relations. Il me tendit pourtant une main molle où se devinaient des préoccupations monétaires assurément très graves, autant qu’un tourment d’aventurier raté. Puis, je le vis s’éloigner dans la rue Boissy-d’Anglas d’un pas de noctambule aigri. À quelque temps de là, je devais apprendre qu’il s’était tué en Pologne dans un petit bouiboui tenu par un marchand de soupe.

Il y a en effet, dans tous les grands hôtels, des clients, et non des moindres, qui font des trous dans les portes. L’expérience prouve que cette clientèle est composée en grande partie de maniaques, quelquefois de faux médecins, experts dans l’art de tirebouchonner les lambris, cloisons, etc., et qui jugent, au spectacle, s’ils ont des chances de se faire inviter. À quoi ils parviennent souvent. Il s’agit, pour le directeur de l’hôtel, de gêner les « voyageurs », sans toutefois les prendre sur le fait. Tâche délicate, et qui doit amplement renseigner l’hôtelier sur la mauvaise qualité de l’article appelé l’Homme… Il s’en console pourtant en songeant que le charme et le danger de son métier consistent justement à recevoir des rois authentiques et des régicides