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« Ambassadeurs », du ministère de la Marine, de l’ancien mur du rempart des Tuileries, de couturiers, modistes, selliers, de Maxim’s, du vin de Porto et d’une nuée de coiffeurs élégants, ne pouvait être due à l’effet du hasard… C’était trop saisissant. Il y avait là, il l’affirmait, un centre d’attraction d’une singulière éloquence.

Son rêve était de s’installer au Crillon, de prendre d’assez mystérieux repas dans la Salle de Marbre, et d’entrer peu à peu dans l’intimité de la clientèle de cet établissement, qu’il considérait comme un des rouages du mécanisme de l’Europe civilisée. Plusieurs soirs de suite, je le surpris méditant devant les soubassements percés d’arcades de l’hôtel, examinant de son œil inquiet et jaunâtre l’entablement des colonnades que surmontent des terrasses à l’italienne. Mais il ne se résignait pas à entrer : M. Godon, le très sympathique directeur du Crillon, qui l’eût d’ailleurs reçu en gentilhomme, ne l’a pas encore aperçu…

Une tête à faire des trous dans les portes

Surpris par la timidité dans l’action de celui qui se montrait si lyrique dans ses propos, je l’entraînai un soir dans un tabac voisin, et je constatai, au moment de l’interroger, qu’il avait une tête à faire des trous dans les portes, une prunelle habituée à se coller aux serrures, et un pantalon luisant et fripé qui prouvait assez que l’homme passait une partie de sa vie à genoux…