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AUX ALENTOURS DE LA CONCORDE

De tous les hôtels, le Crillon est celui qui ressemble le moins à un hôtel. Je l’ai entendu traiter de ministère, de banque ou de musée. Et de fait, le plus en vue, le plus historique des hôtels est aussi le moins connu de l’œil du Français, et même du touriste moyen, qui cependant n’ignorent plus que la place Louis XV, au féminin Concorde, n’a pas d’égale dans le monde entier. C’est sans doute pour cette raison que le Crillon est devenu l’hôtel de l’incognito. On y est magnifiquement obscur. On m’a répété qu’un roi, s’y sentant enfin et parfaitement libre, disait à un de ses familiers, en contemplant le plus bourgeoisement du monde l’obélisque de Louqsor :

— Le jour où les faiseurs de potins apprendraient que je descends au Crillon, je n’aurais plus qu’à aller loger dans l’une des Pyramides !

Ce projet évoque le stratagème si minutieusement exposé par Poe dans La Lettre Volée

Construit en 1758 par les soins de l’architecte Gabriel, sur l’ordre du roi Louis XV, qui tenait à compléter par un chef-d’œuvre la décoration de la place, l’hôtel de Crillon demeura cent cinquante ans résidence privée. En 1908, la famille de Polignac l’acheta pour le transformer en hôtel.

Ouvert au printemps de 1909, il offrit aux Pa-