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l’Espagnole pensaient nuit et jour à un fils très beau tué à la guerre…

Ce Ritz si tranquille, si respectable, si bien conçu pour le sommeil psychologique des grands de la terre, est en vérité tout sonore de romans, tout orné de biographies pathétiques. On croit que certains êtres recherchent le plaisir. En réalité, ils se réfugient dans les hôtels et fuient les hommes parmi les hommes. Ce qui faisait dire à un directeur à qui je demandais quelle était à son avis la première qualité de l’hôtelier : « Le cœur » !…


AVENUE GEORGE V

On compare volontiers les paquebots à des hôtels flottants. On pourrait aussi heureusement comparer les hôtels à des paquebots immobiles, en commençant par le George-V, qui s’est ancré, pareil à un transatlantique soigné et poudré, dans l’avenue la plus aristocratique de Paris, autrefois bout de campagne où s’étalaient des chaumières, aujourd’hui bras de mer d’un luxe calme. Murailles fines, presque fragiles, de pierre et de marbre, plans successifs de jardins fleuris, de terrasses, le George-V n’a rien de la machine à habiter, selon le mot qui fut probablement inventé