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Le vrai client du Meurice a été dessiné plus de cent fois par Sem. C’est un monsieur qui porte des faux cols trop hauts, évasés en cornet, pareils à l’enveloppe d’un bouquet de fleurs, et qui montent jusqu’aux yeux. Avant la guerre, l’épouse de ce personnage solennel et délicieux, immensément riche, lui remettait méticuleusement chaque matin son argent de poche : cinq francs en monnaie, ce qui en fait cinquante environ à l’heure qu’il est. Mais si l’on y cherche une vraie cliente, je pense à la femme du grand peintre Sert, qui y habita très longtemps.

En 1806, le Meurice était situé au 223 de la rue Saint-Honoré. Il avait été construit sur l’emplacement de la salle du Manège, où, du 7 novembre 1789 au 9 mai 1793, se tinrent les séances de l’Assemblée Constituante, de l’Assemblée Législative et de la Convention Nationale. Il est donc contemporain de la République. En 1816, la poste aux chevaux de Calais, dirigée par M. Meurice, s’installa dans les restes du couvent des Feuillants et s’y maintint jusqu’en 1830. En 1917, les terrains, qui appartenaient aux Feuillants et sur lesquels s’élèvent aujourd’hui les bâtiments du Meurice, furent mis en vente comme faisant partie du domaine de la Couronne. Le comte Greffulhe acheta deux parcelles de ces biens nationaux pour 41 700 francs. Les immeubles de la rue de Rivoli, dont le percement avait été décidé en 1802, furent bâtis conformément aux plans imposés aux propriétaires, et à la condition que les boutiques des arcades