Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grands personnages, de leur arracher une déclaration, de les surprendre dans l’intimité. Or, le grand personnage est généralement un voyageur excédé, qui n’a rien à dire et qui ne sait plus ce que c’est que la vie privée. Tant mieux, répond le journaliste, c’est justement ceci qui est intéressant. L’hôtelier proteste, le journaliste insiste, et, quand on lui fait la vie dure, il n’hésite pas à emprunter les vêtements d’un sommelier ou d’un veilleur de nuit pour se faufiler dans la chambre où se cache le sujet de son article.

L’hôtel est le séjour préféré d’une nuée d’originaux qui, dès l’instant qu’ils règlent leurs notes, étalent leurs manies et sonnent à tout propos. J’ai connu un fantaisiste qui, sur ses vieux jours, s’était constitué dans son appartement une collection d’objets volés dans les établissements où il avait séjourné : cendriers, essuie-mains, verres à dents, fourchettes, poivriers, cintres, provenant de Milan, de Dresde, d’Édimbourg, de Rio, encriers, presse-citrons et papier à lettres. Tel autre, qui ne se lavait les dents et les mains qu’à l’eau de Contrexéville, avait besoin d’un livreur particulier et contrôlait lui-même les bouteilles.

Secret professionnel

Le premier devoir, et le plus strict, de l’hôtelier, est le respect absolu du secret professionnel. Il sait parfaitement que le monsieur chauve du 307 et la dame blonde du 234 sont du dernier bien,