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que le mot fit autant de sensation que l’annonce de la mort du Grand Pan !

Le propre des Parisiennes était d’être célèbres. C’était un titre, ou plutôt un emploi auquel on était nommé par l’opinion publique, et qu’on illustrait par ses qualités particulières. Elles étaient Parisiennes comme on est aujourd’hui des deux cents familles, du Suez ou de quelque extrême parti politique. Elles régnaient ensemble sur toutes les classes de la Capitale, maniant le ministre ou le « mec » avec la même aisance et la même suprématie, qu’elles fussent de l’avenue de l’Opéra ou de Montmartre, du monde du flirt ou du monde du « fric ». Quelque chose reliait ainsi les dames des cabinets particuliers aux dames des bouges, et il y eut une parenté plus grande qu’on ne croit entre Cora Pearl, Esther Guimond, Blanche d’Antigny, Marie Sergent, dite « la reine Pomaré », Anna Deslions, La Castiglione, Hortense Schneider ou la Barucci (pour commencer par les sommets), et les autres, celles de la place publique, les La Goulue, Grille d’Égout, Rayon d’Or, la Môme Fromage, Mélinite, Muguette ou Demi-Siphon. Ainsi « Monsieur le Marquis », possesseur de quelques superbes anglo-normands pour ses promenades au Bois, et les copains de Valentin le Désossé, frère d’un notaire de Sceaux, assistaient au fond à la même féerie.

Et moi aussi, tout jeune, torturé par les émanations de cet Olympe, j’allais voir au Bois les reines inconnues de Paris, coiffées de turbans de