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filés politiques. Avec elle a disparu la femme particulièrement « grisante » à qui elle donnait mystérieusement naissance. Quand nos grands-pères et nos pères ouvraient autrefois les journaux du soir ou du matin, ce n’était pas pour méditer sur la nomination du général Goiran comme ministre de la guerre, en remplacement du regretté Berteaux, ou sur la démission de M. Le Peletier d’Aunay, ambassadeur de France à Berne. Non ! C’était pour savoir quelles rumeurs nouvelles couraient sur Germaine Gallois, pulpeuse avec soixante-quatre dents éclatantes, ce qui se disait de la spirituelle Jeanne Granier, des filles ravissantes qu’étaient Madeleine Carlier ou Marguerite Brésil, et si Sarah Bernhardt jouait toujours Frou Frou aux Variétés. Cela était de notre temps beaucoup plus intéressant que la politique, et les passions jouaient autour, parfumées et légères… Une petite affaire de bijoux, un colloque de boudoir prenaient bien plus de place, dans les cervelles, que les guerres possibles ou les révolutions latentes. On avait encore du cœur et de l’esprit…

Il me souvient de la cavalcade de potins tendres, de rires bienfaisants et joyeux qui accompagna l’histoire du manteau de fourrure de Madeleine Carlier, Parisienne admirable aux lignes fermes, et dont la moindre moue de muguets impeccables jetait la panique chez les couturiers et les fleuristes. Dans le parisien et noble dessein de lui rendre ses hommages, un