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sur leurs pieds, à leur envoyer des coins de serviettes dans l’œil. Une demi-heure plus tard, les Deux Magots ferment comme une trappe, sourds au murmure suppliant de deux ou trois Allemands qui stationnent devant la boutique, attirés là par les quarante ans de vie littéraire et de boissons politiques du lieu. Quelques minutes plus tard, le Café de Flore, autre écluse du carrefour, l’œil déjà miteux, se recroqueville à son tour…

Le Café de Flore est connu des Parisiens parce qu’ils le considèrent à juste titre comme un des berceaux de l’Action Française et des Soirées de Paris d’Apollinaire. L’A. F. s’est réunie là du temps qu’il y avait une Affaire Dreyfus et pas encore de néo-Boulevard Saint-Germain. Maurras y exposait la Doctrine devant Bainville, Dimier, Montesquiou, Vaugeois, et même Souday, qui n’était pas ennemi de ces conversations, qui les écoutait comme on essaye un jour un Pernod, et à qui Maurras adressait ses livres avec des dédicaces chaudement tournées, car il considérait le critique du Temps comme une sorte d’Édouard Herriot de la Littérature… Aujourd’hui, le Café de Flore a été abandonné par les chefs du mouvement, mais les camelots chargés de coller des papillons dans le quartier y viennent encore, et y sirotent avec respect le mêlé-cass des classes moyennes. Ils y voient M. Lop, ce petit maître répétiteur dans un collège, sorte d’Hégésippe Simon, ou de Brisset, ce Prince des Penseurs inventé par l’Unanimisme, et que des bandes de