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coin de Montmartre. Mais de dame au chèque, aucune trace.

Zilou prenait la chose gaiement et trouvait encore le moyen de sourire aux invitations des filles emmitouflées de la rue froide, qu’il prenait pour des figurantes bien stylées et polies de la « Capitale du Plaisir ». Pendant ce temps, le compteur ne s’était pas ennuyé. Il s’appelait deux cent soixante francs. L’idée qu’une course à Montparnasse s’imposait nous parut la meilleure. Pendant le trajet, le nègre me fit quelques confidences d’un ordre élevé, et conclut sur la nécessité de trouver le plus tôt possible son acheteuse, et non pas seulement parce que la fièvre du compteur avait quelque chose d’agaçant, mais parce que le projet d’un petit souper venait d’éclore en nous.

Au « Jockey », que nous avions choisi comme première étape, je reconnus d’abord un danseur en veste de cuir, autre chauffeur de taxi, entre deux tangos. Ce brave garçon, qui avait une voix chaude et gentille, chantait dans d’autres bars, faisait la quête à la manière du diseur classique, et venait dépenser le produit de sa collecte à Montparnasse, en vrai client. Paul Morand a fait de ce débrouillard, qui eut son petit succès auprès de personnes que je ne nommerai pas, le héros d’une nouvelle excellente.

La décoration du « Jockey » et le sans-gêne des clients firent impression sur la sensibilité de Zilou. Quelques amis communs nous ayant reconnus, il nous fut impossible de refuser un whisky, ce qui permit au compteur d’atteindre les