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de Tardieu, de Chiappe et de Santo-au-louis-facile, de Santo, qui régnait à cette époque sur la rue Fontaine, je fus abordé devant le « Zellis », qui s’appelle aujourd’hui carrément « Chez les Nudistes », par un nègre ravissant, bien élevé, très baise-mains, et possesseur pour le surplus d’un pardessus chaud et soigné de propriétaire de chevaux. Pas un nègre de jazz ou de ring. Un nègre cultivé que se disputaient quelques dames et qui eut son heure de célébrité, rapport, disait un barman de la même couleur, à des trucs en bois et en ficelle qu’il leur refilait gentiment. Sculptures invraisemblables d’ailleurs, mais, enfin, il en faut pour tous les goûts.

Cet artiste, que l’on appelait, je crois, Zilou, chez les admiratrices de l’art nègre, avait voulu tâter de la vie nocturne et se trouvait sans argent au beau milieu de Montmartre. Sans argent est une façon de parler, car le compteur du taxi qui stationnait devant le cabaret marquait cent vingt-huit francs, et son occupant ne fit aucune difficulté pour m’avouer qu’il devait toucher cette même nuit, pour prix d’un rossignol vendu à une collectionneuse, une somme de trois mille francs.

— Où est-elle, votre acheteuse ? demandai-je ?

— Je ne sais pas, répondit le sculpteur : elle m’a donné rendez-vous dans une boîte dont j’ai oublié le nom.

— À Montmartre ou à Montparnasse ?

— Je ne sais pas non plus. Un nom en èze ou en ur…