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nues, aussi difficiles à prévoir et à définir que l’immensité bouleversante des destinées totales et simultanées de ce qui nous environnait.

Toujours, ma « méthode » de travail a tenu compte de ces terreurs lointaines. Il m’apparaissait naturellement qu’il y avait toutes sortes d’écrivains, et que les différences entre nous étaient aussi formelles que celles qui séparent marguilliers de professeurs de tennis. De bonne heure, je ne me suis intéressé qu’à ceux qui opèrent, si je puis dire, dans les zones précieuses, et se servent d’outils de plus en plus difficiles à trouver, délicats à entretenir. L’écrivain ne m’excite que s’il me décèle un principe physique, que s’il me laisse voir qu’il pourrait travailler de ses mains, peintre, sculpteur, artisan, que s’il me montre le sentiment du « concret individuel ». S’il ne donne pas à son ouvrage un caractère d’objet, et d’objet rare, il ne m’intéresse qu’à la cantonade.

Si je dis parfois qu’il y a tout dans Balzac, Stendhal, Dostoievsky ou Tolstoï, je m’aperçois qu’il y a bien autre chose chez Rimbaud, Flaubert ou Valéry. Il ne s’agit plus pour moi de décrire, de déduire ou de conclure. Je répugne à « l’expliqué », comme au « raconté », comme au « romancé ». Aussi n’ai-je aucune méthode de travail. J’ai plutôt ma façon de gravir la montagne qui sépare la vallée du papier blanchi du plateau des feuilles noircies. Mais ces pistes demeurent secrètes, même pour moi. Tout ce que je puis révéler, c’est que je voudrais, à mon