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Nous avons du mal à nous débarrasser de ce gêneur d’un nouveau genre. Le type abonde dans ces salles pourtant assez chères, dans ces palais de la cerise à l’eau-de-vie, où, lentement, le peuple des remmailleurs, des Arméniens de la « Commission », des tourneurs mobilisables, des manucures et des masseuses à domicile s’enfonce dans les premières vases du snobisme. Les surréalistes, qui sont venus ici en curieux, et les écrivains pour barmen, qui y promenaient des filles de banquiers, ont laissé là quelques « asticots » sur les tables. La bourgeoisie prolétarienne a senti qu’elle avait besoin d’art jusque dans la commande du sandwich et les confidences de la mère ardoise. Ce ne sont que propos vifs sur les nougats, les peintres, le gring, l’osier ou la framboise. Nous saisissons, au passage, des emportements de vocabulaire qui dénotent le pédant de l’atelier typographique ou le dévoyé de chez Potin.

— Jague ! Hé, remonte un peu les châsses !

— Ferme-la, dis, fesse d’huître !

Ces messieurs se croient obligés de dominer les drames moraux de la conscience humaine et la recherche de l’absolu par l’engueulade courte et ciselée. Les dames sont plus éternelles et plus authentiques. Aucune velléité de raffinement ne les travaille. Elles sont « nature » au-dessus des menthes vertes que les hommes les obligent à boire. Menthe verte qui ressemble souvent au potage Saint-Germain ou aux tranches napolitaines « industrialisées ». De loin, des barbeaux