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se soulagent longuement sous les portes cochères, pendant que les échantillons du haut snobisme, venus là par Delage ou Bugatti, admirent sans réserve des types humains si libres d’allure…

Jadis, des touffes de vérité populaire, des fusées de vice naïf montaient comme des jets d’eau vers les oreilles du promeneur. Aujourd’hui, ce sont les chansons de Chevalier, de Constantin Rossi ou de Lucienne Boyer qui passent à travers murs, poussées par la même machinerie qui les gosille ailleurs, sur les tables de bridge de la plaine Monceau ou sur les genoux des mondaines des avenues balayées. Des hautparleurs ont été fixés un peu partout, comme des avertisseurs d’incendie, et les couplets en dégoulinent pour créer une atmosphère à la fois moderne et canaille.

Achetez-moi mes mandarines,
Et dites-moi où vous perchez…

ou bien :

C’est moi, le chéri des dames…

et encore :

Dis-moi… pourquoi malgré tout je t’aime…
Pourquoi je reviens quand même…
Toujours vers toi…

Rengaines déchirantes, dont la pluie, sur les « décapotables » et les « touristes temporaires », rappelle aux vieilles et aux vieux que le cœur