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nité nous a amenés ici contre notre volonté.

— Étrangers, répondit le grand Apollon, ô vous qui jusqu’à ce jour avez habité Cnosse, couronnée de forêts, vous ne reverrez plus cette ville aimable, vous ne reverrez plus vos riches demeures ni vos épouses chéries, mais vous resterez ici pour garder mon temple, et vous serez honorés par de nombreux mortels. Je suis le fils de Jupiter, je me glorifie d’être Apollon : c’est moi qui vous ai guidés en ces lieux, à travers les mers immenses sans mauvais dessein, mais afin que vous soyez les gardiens de mon temple et que vous receviez les hommages de tous les peuples. Vous connaîtrez les desseins des dieux, et par leurs volontés vous serez à jamais comblés d’honneurs. Mais obéissez de suite à mes ordres, pliez les voiles, tirez le navire sur le rivage, enlevez promptement les richesses et les agrès qu’il contient, et construisez un autel sur le bord de la mer. Puis vous allumerez le feu, vous y jetterez la blanche fleur de farine et vous prierez en vous tenant debout autour de l’autel : vous implorerez Apollon Delphien, parce que c’est moi qui, sous la forme d’un dauphin, ai dirigé votre vaisseau à travers les flots azurés : l’autel, qui recevra de même le nom de Delphien, subsistera toujours. Préparez le repas près du navire et faites des libations en l’honneur des dieux immortels de l’Olympe. Quand vous aurez pris abondamment la douce nourriture, vous m’accompagnerez en chantant Jopéan jusqu’à ce que vous arriviez aux lieux où s’élèvera mon riche temple. »

Il dit. Les Crétois obéissent à l’ordre qu’ils ont entendu : ils plient les voiles et détachent les câbles ; ils abaissent le mât en le soutenant avec des cordages, puis ils se répandent sur le rivage de la mer. Ils tirent le navire dans le sable, l’étaient avec de larges poutres et construisent un autel sur la grève. Ils allument le feu, ils y jettent la blanche fleur de farine et prient debout autour de l’autel, ainsi que le dieu l’avait ordonné. Tous ensuite préparent le repas non loin du navire et font des libations en l’honneur des habitans fortunés de l’Olympe. La faim et la soif étant apaisées, ils quittent ces bords. Le fils de Jupiter, Apollon, les précède, tenant une lyre dans ses mains et la faisant résonner en accens mélodieux : il s’avance avec une démarche haute et fière. Les Crétois l’accompagnent jusque dans Pythos en chantant Jopéan ; car tels sont les Péans des Crétois, hymnes sacrés, chants sublimes qu’une muse leur a inspirés. Sans nulle fatigue ils franchissent à pied la colline et parviennent bientôt sur la riante colline du Parnasse, où le dieu devait habiter et recevoir les hommages de tous les peuples de la terre. Apollon, qui les conduit, leur montre les riches parvis du temple. Leur âme est émue dans leur poitrine, et le chef des Crétois, interrogeant le dieu, lui adresse ces paroles :

« Roi puissant, vous nous avez conduits loin de notre patrie et de nos amis, c’est là votre volonté ; mais désormais comment subsisterons-nous ? Nous vous supplions de nous l’apprendre. Ces lieux ne produisent ni vignobles agréables, ni fertiles pâturages, ni rien de ce qui peut rendre heureux dans la société des hommes. »

Apollon lui répond aussitôt avec un doux sourire :

« Hommes faibles et infortunés, pourquoi donc abandonner ainsi votre âme aux soins, aux travaux pénibles, aux noirs chagrins ? Je vais vous donner un conseil facile à suivre ; conservez-le dans votre souvenir. Chacun de vous, tenant un glaive dans sa main droite, immolera tous les jours une brebis, car vous aurez en abondance les victimes que viendront m’offrir les différens peuples du monde. Soyez donc les gardiens de ce temple ; accueillez les hommes qui se réuniront ici par mon inspiration, lors même que leurs actions et leurs paroles seraient choses vaines ou même seraient une injure, comme il arrive souvent aux faibles mortels. Ensuite viendront d’autres hommes qui vous serviront de guides : vous leur serez soumis par nécessité. Crétois, je t’ai dit toutes ces choses : que ton âme les conserve dans son souvenir. »

Salut ! ô fils de Jupiter et de Latone ! je ne vous oublierai jamais ; et je passe à un autre chant.

HYMNE II.

A Mercure.

Muse, célèbre Mercure, fils de Jupiter et de Maïa, roi de Cyllène et de l’Arcadie, fertile en troupeaux, bienveillant messager des dieux qu’enfanta l’auguste et belle Maïa, après s’être unie d’amour à Jupiter. Eloignée des dieux fortunés, elle habitait un antre ombragé. C’est là