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bois. Les hommes n’habitaient point encore la ville sacrée de Thèbes ; ni chemins, ni sentiers ne traversaient alors cette vaste plaine fertile ; on n’y voyait qu’une forêt immense.

Divinité puissante, vous n’avez pas tardé à quitter ces lieux ; vous êtes venue dans Oncheste où s’élève le bois sacré de Neptune. C’est là que le jeune coursier nouvellement dompté respire fortement de ses naseaux après avoir traîné le char magnifique. Le conducteur habile s’élance à terre et abandonne le char qui poursuit sa course. Désormais sans guide, les chevaux s’emportent avec rapidité. S’ils arrivent jusqu’au bois ombragé, des serviteurs détellent les coursiers dont ils prennent soin et rangent le char en l’inclinant. Ainsi fut établie cette fête dans l’origine. Ensuite les peuples implorent Neptune pour que le Destin conserve le char de ce dieu.

Bientôt vous avez abandonné ces lieux, divin Apollon ; vous êtes arrivé sur les bords rians du Céphise qui roule ses ondes limpides loin de Lilée. Vous avez franchi la ville d’Ocalie aux nombreuses tours, et vous êtes parvenu dans les prairies d’Aliartes près de la fontaine Telphuse. Ce lieu était propice pour construire un temple et planter un bois ombragé. Vous vous êtes alors approché de la fontaine et vous lui avez adressé ces paroles :

« Telphuse, j’ai résolu de bâtir en ces lieux un temple superbe pour y rendre mes oracles aux mortels. Ils m’immoleront de magnifiques hécatombes et viendront me consulter de tous les lieux de la terre, du fertile Péloponèse, de l’Europe ou des îles. Je leur ferai connaître à tous un avenir certain et je rendrai des oracles dans ce temple somptueux. »

En parlant ainsi, Apollon posait les fondemens d’un temple vaste et solide. Delphuse l’ayant vu s’irrita jusqu’au fond de l’âme et fit entendre ces paroles :

« Écoutez-moi, puissant Phébus qui lancez au loin vos traits, je veux déposer une parole en votre sein : vous avez résolu de construire en ces lieux un temple superbe pour rendre vos oracles aux mortels qui viendront vous immoler d’illustres hécatombes. Mais sachez-le et retenez bien ce discours dans votre pensée : vous serez sans cesse troublé par le bruit des coursiers rapides et des mules qui viendront se désaltérer à mes sources sacrées. Ici les hommes préfèrent le spectacle des chars solides et le bruit des coursiers qui fendent l’air à l’aspect d’un temple spacieux et renfermant d’abondantes richesses. Laissez-vous donc persuader, illustre divinité, bien plus grande, bien plus puissante que moi, et dont la force est immense ; et construisez un temple à Crissa dans une vallée du Parnasse. Là jamais on ne voit de chars magnifiques ; le bruit des rapides coursiers ne retentira jamais autour de votre autel magnifique. Les mortels viendront offrir leurs sacrifices au divin Jopean ; vous, le cœur plein de joie, vous recevrez leurs pompeuses offrandes. »

Par cet habile discours Telphuse persuada le dieu qui lance au loin ses traits. Elle voulait conserver et ne pas se laisser ravir par Apollon la gloire de régner sur cette contrée.

Vous avez donc quitté ces lieux, ô puissant Apollon, et vous êtes venu dans la ville des Phlégiens, hommes pleins d’audace, méprisant Jupiter, qui habitent une riche vallée près du lac Céphise. Vous avez monté en courant jusqu’au sommet de la montagne, vous êtes arrivé à Crissa sur le neigeux Parnasse, à l’endroit où cette montagne est battue du souffle du zéphyr. Là, de vastes rochers qui pendent sur l’abîme forment une vallée âpre et profonde ; le brillant Phébus conçut le dessein d’y construire un temple magnifique et prononça ces paroles :

« J’ai résolu de bâtir en ces lieux un temple superbe pour y rendre mes oracles aux mortels. Ils m’immoleront de magnifiques hécatombes et viendront me consulter de tous les lieux de la terre, du fertile Péloponèse, de l’Europe ou des îles. Je leur ferai connaître à tous un avenir certain et je rendrai des oracles dans ce temple somptueux. »

En parlant ainsi le divin Apollon jeta les fondemens de son temple vaste et solide. Sur ces fondemens Agamède et Trophonius, tous deux fils d’Ergine et chers aux dieux immortels, posèrent le seuil. Les nombreuses tribus des hommes bâtirent avec des pierres polies un temple qui devait être à jamais célèbre. Près de ce temple était une fontaine limpide où Apollon tua de son arc redoulable une hydre énorme, affreuse, monstre sauvage et altéré de sang qui accablait de maux nombreux les hommes et les troupeaux de brebis. Autrefois cette hydre, protégée par Junon au trône d’or, avait nourri l’infâme Typhon, la terreur des mortels, ce fils