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tent des rayons droits et brillans qui semblent une chevelure. Leur apparence est cependant différente : l’une ressemble au cristal transparent, l’autre à la chrysolithe ; si la lépidote ne jetait des rayons semblables à des cheveux, ce serait tout-à-fait une chrysolithe. Je dis que l’une et l’autre sont bonnes. Le Soleil, ce grand nourricier, les a dotées toutes deux d’une merveilleuse puissance. Elles donnent aux hommes la beauté de la forme et la vigueur dans le combat, quoiqu’ils soient déjà d’un âge respectable. Ceux qui portent ces pierres prennent aussitôt l’allure généreuse des héros, et les dieux leurs accordent ce don précieux. Car l’audace et le calme plaisent également aux immortels.

X.

L’AIMANT.

L’aimant est aimé du belliqueux Mars, parce que si on l’approche d’un fer poli, de même qu’une jeune fille transportée d’un ardent amour enlaçant dans ses deux bras le jeune homme qu’elle aime ne peut se détacher de sa poitrine blanche comme du lait, de même il attire toujours à lui le fer belliqueux et ne veut jamais l’abandonner. On raconte en effet qu’il fut esclave de la fille du Soleil, qu’il lui fit boire d’énivrantes boissons, et qu’alors elle conçut dans d’ineffables délices. Veux-tu connaître si ta femme t’est fidèle, si elle te conserve ton lit et ta maison chastes de tout homme, prends cette pierre et dépose-la secrètement sous la couchette ; et, comme occupé d’autre chose, chante pendant ce temps-là une joyeuse chahson. Elle, s’abandonnant à un doux sommeil, étendra les mains en désirant t’embrasser. Si Vénus la tourmente de désirs amoureux, elle tombera à terre du haut du lit.

Que deux frères portent de l’aimant avec eux s’ils veulent éviter les disputes et les haînes. Cette pierre t’inspirera encore, si tu veux parler au peuple assemblé, les discours les plus doux et les plus agréables et tu porteras dans ton sein la charmante persuasion. Quoique je puisse te raconter bien d’autres merveilles de cette pierre, que te dirai-je de plus quand je t’aurai parlé des dieux ? Quelque élevées que soient leurs demeures, cette pierre fléchit leur âme et les rend favorables, en sorte qu’ils s’empressent de satisfaire nos désirs comme s’ils étaient nos parens. Si nous étions déjà arrivés à l’autel nous pourrions faire l’épreuve de tout ce que je viens de te dire. Car cet homme qui me suit porte sur ses robustes épaules les matières de ces différentes choses. Mais comme nous avons encore beaucoup de route à faire et que l’appréhension du dragon tourmente encore peut-être ton esprit, apprends le moyen de ne pas craindre les dards des serpens monstrueux. Fais broyer en poussière un petit fragment d’ophite, et si un serpent vient à te mordre avec ses dents venimeuses, couvres-en la blessure, le remède sera infaillible.

XI.

L’OSTRITE.

Si vous voulez calmer des douleurs, buvez du vin dans lequel vous aurez broyé une pierre pure d’ostrite ; le résultat en est infaillible : c’est une pierre absolument semblable, une pierre bonne contre les vipères, qui, à l’aide de l’art habile de Machaon, rendit sans danger la blessure dont Philoctète souffrait depuis neuf ans. Le fils de Pœan n’espérait plus en être guéri, quoique au fond de son cœur il le désirât ardemment. Mais Machaon, instruit dans la médecine par son père, prit cette pierre merveilleuse, l’appliqua sur la cuisse au lieu de remède, chose étonnante ! et renvoya de nouveau au combat contre les Troyens le meurtrier d’Alexandre. Le fils de Priam, sur le point de mourir, ne pouvait se figurer qu’il fût ainsi venu à la bataille avec ses pieds parfaitement guéris. Le noble héros tua le perfide Pâris, d’après l’ordre qu’Hélénus donnait aux Grecs, d’amener de Lemnos à Troie le meurtrier infâme de son frère. Mais Phébus Apollon donna à celui-ci une véritable pierre d’aimant qui pouvait parler, que quelques hommes ont appelée l’ophite sans âme, pierre dure, raboteuse, noire, épaisse. De tous côtés elle est rayée circulairement de fibres semblables à des rides. J’ai appris que pendant trois fois sept jours Hélénus se tint éloigné du lit de son épouse et des bains communs, et que cet homme grave et continent s’abstint de se nourrir d’animaux. Mais lavant toujours sa pierre animée dans une fontaine intarissable, il l’habillait de doux vêtemens, la réchauffait comme un jeune nourrisson, et lui offrant des sacrifices comme à un dieu, par ses hymnes puissantes il la rendit vivante. Puis allumant les lampes dans sa