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héros Minyens avec un amical empressement, les fit asseoir plusieurs nuits à sa table hospitalière, et les retint pendant plusieurs jours. En cet endroit la Parque nous enleva deux guerriers, Idmon Ampycide et le nautonier Typhis. L’un fut emporté par une douloureuse maladie ; l’autre fut tué par un sanglier sauvage. Nous leur élevâmes des statues, puis nous reprîmes notre navigation sur les immensités de la mer, en confiant notre sort à Ancée. Tous le disaient fort habile dans la navigation. Il saisit donc d’une main ferme la courroie du gouvernail, et dirigea le navire sur les courans du Parthénius, connu aussi sous le nom de Callichoron, et dont j’ai déjà parlé précédemment. De là, dirigeant notre navigation par delà les montagnes élevées, nous arrivâmes à la terre des Paphlagons ; le navire Argo l’évita en sillonnant la mer immense, et il arriva au rivage de Carambie repose Thermodon, et sur les bords du fleuve Algas, qui jette ses flots rapides dans le sein de l’Océan. En naviguant un peu plus loin de la région de l’Arctique boréal, on trouve le tombeau et les restes immenses de Themicyre Déantide. Non loin de là sont les villes des amazones. Les Chalybes, les Tibarins et d’autres peuples voisins habitent confusément dans cette région de Mosyn. Tournant à notre gauche, nous arrivâmes à un port où se trouvent les Taures, voisins des Maryandins. Encore plus bas vers le Septentrion, se trouve une longue chaîne de montagnes, dont les sommets s’élancent les uns sur les autres. À leurs pieds des vallées ouvrent leur large sein. C’est là qu’est le mont Symes, immense pâturage toujours verdoyant. Là se trouve le fleuve Araxe, dont les eaux roulent avec de grands retentissemens ; le Phasis et le Tanaïs en découlent aussi, et le pays est habité par la nation intrépide des Colches, des Enioches et des Araxons. Après l’avoir traversé, nous naviguâmes jusqu’aux ports des Uriens, des Chidnéens, des Charandiens et des Solymiens, et des derniers Assyriens ; nous vîmes les âpres sommets du Synape, et les habitans de Philyre et les cités nombreuses des Sapeires, les Bysériens et les nations inhospitalières des Sigynniens. Le navire Argo, poussé par un vent favorable, entra à pleines voiles dans le Phasis au cours gracieux depuis le matin, à l’heure où l’Aurore se levait sur le monde immense, jusqu’au soir. Ancée prenant la parole ordonna de plier les voiles, de délier les antennes et de faire route à la rame après avoir abattu le mât. Quand nous fûmes entrés dans le lit du fleuve tranquille, alors les murs et les fortifications d’Eète nous apparurent ; les bois sacrés s’offrirent à nous ; c’était là que se trouvait la toison d’or, suspendue à un humble hêtre.

C’est ainsi que se passèrent toutes ces choses : Jason hésita longtemps dans sa pensée et fut incertain, puis il soumit aux Myniens cette question indécise, s’il irait seul à la maison d’Ééte, sans être accompagné d’aucun de ses guerriers, ou si de suite il se précipiterait avec ses héros pour engager la bataille. Mais les Minyens ne voulurent pas aller ainsi. Junon, la belle déesse, avait inspiré à leurs âmes de la crainte et de l’hésitation, pour que les destins fussent accomplis. Elle envoya promptement du ciel un songe humide dans la maison d’Ééte : elle éveilla une terreur profonde dans son esprit : il lui semblait qu’une jeune vierge qu’il avait fait soigneusement élever dans son palais, Médée, recevait avec ravissement dans son sein un astre éclatant qui brillait dans les airs et venait s’unir à elle. Puis, l’ayant ainsi reçu, elle le portait dans l’onde immense du fleuve Phasis. Mais l’astre l’enlevant s’échappa avec elle à travers les flots de l’Euxin. Voyant cela dans ses songes, il secoua précipitamment ce sommeil pénible, et son esprit resta en proie à une crainte effroyable. Il s’élança de sa couche et ordonna à ses serviteurs de préparer de suite les chevaux et de les atteler à son char, pour qu’il pût aller sur les bords aimables du Phasis, avec les nymphes paternelles, apaiser les âmes des héros qui erraient sur les rives du fleuve. Il appela ses filles de leur lit odorant pour qu’elles le suivissent, Chalciope, avec les enfans de Phryxus mort, et la tendre Médée, douée de toutes les grâces de la taille et vierge pudique. Absyrius habitait des maisons séparées dans la ville. Ééte monta donc sur son char d’or avec ses filles. Ses chevaux le portèrent rapidement à travers les champs à l’embouchure du fleuve couvert de roseaux, où s’accomplissaient toujours les vœux et les sacrifices. Argo abordait en cet instant les rives, fendant l’onde à pleines voiles : Ééte, voyant le navire, se hâta ; il aperçut grand nombre de héros rangés en ordre, semblables à des Immortels. Leurs armes brillaient à leurs côtés. Entre tous le divin Jason se faisait distinguer, car Junon le préféra à tous les autres,