Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/424

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’enfance, parut aussi parmi ces héros. S’il fût resté encore un an à Calydon, Hercule seul eût pu l’emporter sur lui. Le soin de sa conduite était confié à Laocoon, déjà avancé en âge, né du même père qu’OEnée, mais d’une mère esclave. Il était encore accompagné d’Iphiclus, son oncle maternel, aussi habile à lancer un javelot qu’à combattre de près l’ennemi.

Au milieu d’eux, on voyait s’avancer à pas inégaux, Palémonius, fils de Lernus, ou plutôt du dieu Vulcain. Tout boiteux qu’il était, il fut admis parmi les héros armés pour la gloire de Jason, et sa valeur le mettait au-dessus de toute insulte.

Le lien sacré de l’hospitalité unissait avec Jason Iphitus, fils de Naubolus et petit-fils d’Ornytus. C’était en allant à Delphes consulter l’oracle sur son expédition, que le fils d’Éson avait été reçu chez ce généreux habitant de la Phocide.

Deux fils de Borée, Calas et Zéthès, attiraient sur eux les regards étonnés. Leur mère Orithye se jouait sur les bords de l’Ilissus [1], lorsqu’elle fut tout à coup enlevée par Borée, qui la transporta jusqu’aux extrémités de la Thrace et, l’enveloppant de nuages épais, lui ravit sa virginité près du rocher de Sarpédon et du fleuve Erginus. Les fruits de cet hymen, touchant légèrement la terre de leurs pieds, agitaient de larges ailes parsemées d’étoiles d’or. Une épaisse chevelure flottait au gré du vent sur leurs épaules. Acastus lui-même, fils du roi Pélias, ne put se résoudre à rester oisif dans le palais de son père. Bientôt il devait se joindre aux Argonautes, aussi bien qu’Argus qui avait construit le vaisseau sous les ordres de Minerve.

Tels étaient les compagnons de Jason, qui, descendus comme lui la plupart des filles de Minyas [2], se faisaient appeler les princes Minyens.

Regrets d’Alcimède, mère de Jason

Déjà tout était préparé pour le départ, et ils traversaient la ville d’Iolcos pour se rendre au port de Pagases, sur le rivage de la Magnésie. Le peuple accourait en foule sur leur passage. Couverts de leurs armes, ils s’avançaient à grands pas au milieu de cette multitude, semblables à des étoiles, dont l’éclat perce à travers les nuages : "Grand Jupiter, disait-on, autour d’eux, quel est donc le dessein de Pélias ? et pourquoi envoyer loin de la Grèce un si grand nombre de héros ? Sans doute le jour même qu’Eétès refusera de leur livrer la brillante Toison, objet de leurs désirs, il verra son palais devenir la proie des flammes. Mais, hélas ! que de chemin à parcourir ! que de dangers à essuyer ! "

Tandis que les hommes parlaient ainsi, les femmes, levant leurs mains au ciel, priaient les dieux d’accorder aux Argonautes un heureux retour et se disaient l’une à l’autre en pleurant : "Mère infortunée, pauvre Alcimède, le sort, qui t’avait épargnée si longtemps, te fait aujourd’hui sentir ses rigueurs et tu n’as pu goûter le bonheur jusqu’à la fin de tes jours ! Et toi, malheureux Eson, ne vaudrait-il pas mieux que tu fusses déjà descendu dans le tombeau ! Plût aux dieux que le flot qui fit périr Hellé eût aussi précipité Phrixus et son bélier dans la mer ! Mais non, par un prodige effroyable, l’animal fit entendre une voix humaine pour être cause un jour du malheur d’Alcimède [3].

Cependant la mère de Jason, environnée d’une troupe d’esclaves et de femmes éplorées, tenait son fils serré dans ses bras ; tandis que Éson, accablé sous le poids des ans et retenu dans son lit, s’enveloppait le visage et étouffait ses sanglots. Le héros, après avoir tâché de les consoler, demande enfin ses armes. Des esclaves consternés les lui prèsentent en gardant un morne silence. Alcimède sent alors redoubler sa douleur et, tenant toujours son fils embrassé, elle verse des torrents de pleurs. Telle une jeune fille qu’un sort cruel, après lui avoir enlevé tous ses parents, a réduite à vivre sous l’empire d’une marâtre qui lui fait tous les jours essuyer de nouveaux outrages, lorsqu’elle se trouve seule avec sa fidèle nourrice, se jette entre ses bras, laisse éclater sa douleur et donne un libre cours à ses larmes : "Malheureuse que je suis, s’écriait Alcimède, plût aux dieux que j’eusse rendu le dernier soupir le jour même où j’ai entendu Pélias prononcer cet ordre fatal ! Tu m’aurais toi-même ensevelie de tes mains, ô mon cher fils ! C’est le seul devoir que j’avais encore à attendre de toi, puisque j’ai déjà reçu, dans tout le reste, la récompense des soins que m’a coûtés ton enfance. Mais maintenant, abandonnée comme

  1. Rivière qui coule près d'Athènes.
  2. Roi d'Orchomène, en Béotie. Alcimède mère de Jason, était fille de Clymène, fille de Minyas.
  3. Héllé, étant tombée dans la mer, le bélier rassura Phrixus et lui promit de le porter en Colchide.