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L’ARGONAUTIQUE,

POÈME.



O roi qui commandes à Python, poëte qui lances au loin tes traits, toi qui habites les sommets élevés du Parnasse, je chante ta vertu. Inspire à mon cœur une voix véridique, et donne-moi la gloire de répéter aux hommes dispersés de toutes parts un chant conforme aux préceptes de la Muse, un chant digne de la lyre. Car il est dans ma pensée, ô dieu qui portes le luth, de te dire en des vers bien aimés, des choses que je n’ai pas encore dites, lorsque, animé du zèle de Bacchus et du roi Apollon, je chantai les flèches horribles, les remèdes favorables aux mortels et ensuite les droits mystiques des initiés. Et la nécessité du premier Chaos, et Kronus qui produisit l’Éther dans un laborieux enfantement, et l’Amour son frère jumeau, dieu aimable, parent de la Nuit éternelle que les hommes plus modernes ont nommée Phanète, et qui apparut le premier, et les parens du puissant Brimon et les ouvrages immenses des Géans, race dangereuse qui est tombée du ciel, race de la première génération, d’où sont sortis les hommes répandus aujourd’hui sur la surface de la terre, et la servitude de Jupiter, et le culte de la mère errante sur les montagnes, qui sur les sommets de Cybèle avait accompagné la jeune Proserpine à cause de Saturne son père toujours dur, et les mystères sacrés des Idéens, et la force prodigieuse des Corybantes, et l’erreur de Cerès, et le deuil amer de Proserpine ; comment elle fut législatrice, et les dons splendides des Cabires, et les mystères du roi Bacchus qu’il faut taire, et Lemnos la divine, et la maritime Samothrace ; Chypre montueuse et Vénus adonéenne, les orgies de Praxidice et les fêtes nocturnes de Minerve, et les fêtes pleines de deuil des Égyptiens, et les inféries sacrées d’Osiris, et les moyens sans nombre de l’art nouveau du devin qui s’exerce sur les bêtes sauvages, sur les oiseaux et dans les entrailles ; et tout ce que les âmes des hommes révèlent dans leurs songes lorsqu’elles sont agitées par le sommeil ; et les positions des signes qui annoncent l’avenir, et les révolutions des astres, et l’expiation qui purifie, avantage divin accordé aux vivans, et la manière dont les mortels apaisent les dieux en leur présentant de larges offrandes.

Je t’ai raconté d’autres merveilles encore, que j’ai vues moi-même et que j’ai recueillies dans mon esprit, lorsque j’ai parcouru la route ténébreuse du Ténare et que j’ai pénétré dans l’enfer poussé par mon amour pour mon épouse et me confiant à la puissance de ma cithare, et combien j’ai fréquenté la foule sacrée des Égyptiens, lorsque j’ai vu Memphis la divine et les villes sacrées d’Apis que le Nil rapide environne d’une vaste ceinture. Mon cœur t’a répété toutes ces choses. Maintenant que le taon aërien abandonne notre corps et remonte dans les larges espaces des cieux, tu apprendras de ma voix ce que je t’ai d’abord caché. Tu sauras comment, cédant aux sollicitations de . . . . je me joignis à lui et je devins compagnon de son voyage ; comment sur un navire errant je visitai la Piérie, les sommets élevés des Libèthres, des contrées habitées par des hommes inhospitaliers et des nations impies sur lesquelles régna Éète fils du Soleil qui porte la lumière aux mortels.

Pélias craignait que l’empire royal ne lui fût arraché par les mains du fils d’Æson, comme un oracle l’avait prédit. Alors dans son cœur il résolut de recourir à des moyens fallacieux. L’oracle lui avait ordonné d’enlever la toison d’or de la Colchide et de l’apporter dans la Thessalie fertile en chevaux. Mais lui, dès qu’il eut entendu cette voix sévère, il éleva les mains et prit à témoin la vénérable Junon, car il la respectait entre toutes les immortelles et l’environnait d’un culte sacré. Elle écouta favorablement ses prières : le fils valeureux d’Æson était de tous les hommes le héros intrépide qu’elle aimait et estimait le plus. Elle appela Minerve, et la voyant auprès d’elle lui déclara sa volonté. Celle-ci construisit un vaisseau en bois de hêtre, qui le premier avec des rames sillonna les profondeurs salées de l’Océan et tenta hardi-