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PRÉFACE DE L’ÉDITEUR.




La traduction des Poëtes grecs que je présente au public est l’œuvre de plusieurs auteurs. Un volume composé d’ouvrages aussi variés par la forme et par les idées ne pouvait appartenir à une seule rédaction ; il lui fallait tout à la fois l’unité de direction imprimée par une intelligence patiente et dévouée au travail difficile de l’arrangement et le talent varié de plusieurs traducteurs s’exerçant chacun sur un texte différent et le marquant au cachet de sa personnalité, de son style, de sa manière. D’heureuses circonstances m’ont permis de faire ainsi : des hommes habiles ont bien voulu se joindre à moi pour élever à la poésie grecque un monument sérieux et durable. Qu’ils en acceptent ici tous mes remercîments et qu’ils me permettent de faire ressortir en même temps leur modestie et leur mérite.

M. Bignan se trouve, parmi tous ces brillans collaborateurs, le premier dans l’ordre du volume. Ami de Dugas-Montbel, cet excellent traducteur trop vite enlevé à la littérature, il a été son fidèle compagnon d’études ; il avait longtemps lutté avec lui contre toutes les difficultés de la langue grecque ; il en connaît toutes les ressources et tous les secrets. La traduction inédite d’Hésiode, qu’il a bien voulu nous abandonner, est l’œuvre de plusieurs années de travail. Les notes seules, pleines d’une érudition puisée dans les auteurs primitifs, dans les scholiastes les plus diffus et les commentateurs les plus minutieux, prouveront tout ce qu’il a fallu de recherches pour éclairer le texte d’Hésiode, si obscur par les sujets qu’il traite et par la date reculée à laquelle se rapportent les différens usages des peuples anciens.

M. Perrault-Maynand, helléniste distingué, connu par plusieurs ouvrages devenus classiques dans l’enseignement, s’occupait depuis cinq ans d’une traduction complète de Pindare. La première portion de son travail avait paru en un volume in-8o  ; elle renfermait la traduction des Olympiques avec le texte grec, des notes et une version latine excessivement exacte. Ce volume nous avait révélé la science d’un homme également habitué à toutes les difficultés grammaticales de la langue grecque et à toutes les beautés de la langue française. En même temps qu’il nous a permis de profiter des Olympiques déjà publiées, il a terminé pour nous les Néméennes, les Isthmiques et les Pythiques, et nous a ainsi donné une œuvre complète bien supérieure à toutes les tentatives de Chabanon, de Gin et de Tourlet.

Théocrite, Bion et Moschus sont dus aussi à des savans qui, comme M. Perrault-Maynand, travaillent loin du tumulte, des événemens et des hommes, retirés dans une ville dont la réputation est loin d’être littéraire. M. Perrault-Maynand, traducteur de Pindare ; M. ***, traducteur de Théocrite ; MM. Grégoire et Colombet, traducteurs de Bion, de Moschus et de Synésius, vivent à Lyon. Leur dévouement aux études sérieuses mérite d’être récompensé par la plus grande publicité, et nous espérons qu’on nous saura gré d’avoir prouvé au monde savant qu’il est ailleurs qu’à Paris de nobles efforts dignes d’être connus et encouragés.

Les Halieutiques d’Oppien appartiennent à M. Limes : il nous a autorisés à reproduire sa traduction. Il n’était pas possible de faire mieux ; nous avons donc été heureux de pouvoir profiter d’une version aussi élégante que consciencieuse.

Quant à moi, j’aurais désiré mériter un voisinage aussi redoutable, j’ai essayé. Le premier en France j’ai tenté de traduire Orphée et de pénétrer à l’aide d’une version exacte dans les mystères de cette civilisation primitive. Les difficultés sont inextricables, et je ne me flatte pas de les avoir surmontées. L’excellent discours préliminaire, héritage d’un savant helléniste, Delille-Desalle, mort depuis longtemps, m’a été utile pour résumer toutes les idées sur le problème encore indécis de l’existence d’Orphée ; mais malgré ce secours et les notes d’Eschenbach et de Gessner, je n’ose espérer d’avoir réussi dans une œuvre presque impossible. Des travaux plus agréables et moins difficiles sur Homère, Anacréon, Sappho, l’Anthologie et quelques petits poëtes complètent avec l’introduction ma part dans ce volume. J’ai eu soin que l’introduction ne présentât que le sommaire d’idées générales sur les caractères de la poésie grecque ; j’ai développé dans les préfaces mises en tête de chaque poëte le caractère particulier de chaque poëte et de chaque époque ; enfin j’ai apporté à ce volume tous les soins de surveillance et de révision dont je suis capable ! Puissé-je ne pas être resté au-dessous de ma tâche.

Ernest Falconnet.

Paris, 20 août 1838.