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ries dévorées par la soif invoquent la pluie. C’est l’instant de nous enivrer : c’est l’instant de forcer les plus sobres à boire à longs traits. Amis, plantons, plantons la vigne de préférence à tout autre arbre.


III.


Pourquoi laisser notre âme se courber sous le poids des chagrins. L’homme qui fléchit sous le malheur n’est plus un homme. Dieu puissant de l’Inde, toi seul peux relever celui qui souffre en le plongeant dans les délices de l’ivresse.


IV.


Là roule sourdement le flot impétueux ; plus loin retombe un autre flot qui s’élance avec fureur. Les vagues déchaînées nous environnent de toutes parts, le noir navire qui nous porte crie et se rompt sous le souffle impétueux des enfants de Borée. Nous ne reposons plus que sur la mer orageuse. C’est d’elle que dépend notre ruine. Toutes nos voiles brisées pendant l’orage ont disparu. Les flancs de notre navire sont fracassés : nous ne pouvons plus jeter l’ancre.


V.


La pauvreté est un mal terrible, insupportable ; elle abat les plus grands peuples quand elle se réunit à sa sœur l’inquiétude.


VI.


L’homme riche est un grand homme et le pauvre un misérable sans aucune valeur.


VII.


Amis, profitez de l’histoire d’Admète ; ne vous attachez qu’aux hommes estimables ; fuyez plus que la mort la société des lâches : nul ne les respecte, pas même leurs semblables.


VIII.


Pourquoi l’homme ne peut-il percer de son regard tous les voiles qui nous dérobent les replis secrets du cœur humain, le voir tel qu’il est, le refermer ensuite et pouvoir alors choisir son ami ?


IX.


Une écrevisse ayant vu prendre un serpent par une tortue ne put s’empêcher de dire : « Si mon frère le serpent n’avait pas usé de tant de détours et de sinuosités, il ne serait pas mort. » Ce qu’il y a de mieux à faire c’est de marcher toujours droit.


X.


Pallas ! reine glorieuse, gouvernez toujours notre cité et nos citoyens, sans douleur, sans trouble, sans jamais verser le sang de nos frères. Et vous père des dieux, vous Olympie, mère de l’abondance, accordez-nous les dons de Cérès. Qu’ils nous soient apportés par les Heures éclatantes de grâce sous leurs belles couronnes. Exaucez aussi mes vœux, ô respectable Proserpine, et que Lesbos soit toujours florissante en obéissant à vos saintes lois !


XI.


Je porterai mon glaive sous une branche de myrte ; j’imiterai Harmodius et Aristogiton, qui immolèrent le tyran et établirent dans Athènes l’égalité des lois. O généreux Harmodius ! en quittant la terre tu n’es pas mort : tu vis toujours dans ces îles bienheureuses où se trouvent Achille aux pieds légers et l’intrépide fils de Tydée. Oui je porterai mon glaive sous une branche de myrte comme le firent Harmodius et Aristogiton lorsqu’ils tuèrent le tyran Hipparque dans le temple des Panathénées. Que votre gloire soit éternelle dans le monde, cher Aristogiton ! parce que vous avez tué le tyran et établi dans Athènes l’égalité des lois.


XII.


Que ne suis-je une belle lyre d’ivoire, une lyre resplendissante comme celles des belles Lesbiennes dans nos fêtes solennelles ; que ne suis-je l’or le plus éclatant, et qu’une femme brillant de tout l’éclat de ma beauté eût envie de me porter sur son sein !