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ANACRÉON,

TRADUIT PAR M. ERNEST FALCONNET.




VIE D’ANACRÉON.




La vie d’Anaeréon est à peine arrivée jusqu’à nous : commelous les grands poëtes de l’antiquilé.le chantre des Grâces a été si souvent édité, commenté, annoté, que la vérité a disparu sous les ornemens. Nous ne savons presque rien de certain sur lui : les traducteurs se sont laissés aller au plaisir dé faire chacun une préface sur l’homme dont ils s’étaient rendus les interprèteset les adorateurs : une critique peu éclairée leur a fait recueillir des matériaux contradictoires . 11 nous est aujourd’hui très-difficile de Choisir. Ainsi lès uns le font naître vers la soixante-douzième olympiade, les autres à la. soixante-deuxième, - Suidasà la cinquante-deuxième. Safamille n’est guère plus connue. Les commentateurs, généalogistes toujours charitables, lui ont donné quatre frères : Scythinus, Lamelus, Aristocritus et Parihénion ; quelques-unsmême, se fondant sur un passage mal interprété de Platon, l’ont fait descendre du roi Codrus. Anacréon naquit dans la ville deTéos, ville voluptueuse et charmante de l’Ionie. Il s’attacha à Polycrate, tyran de Samos, devint son ami et s’abandonna toujoursaux délices des plaisirs et d’une vie facile. H est bien vrai que Mv Dacier, se fondant sur une anecdotedouteuse racontée par Maxime deTyr, nous représenteAnacréon comme le premier ministre, le conseillerd’état de Polycrate ; mais nous ne trouvons dans les oeuvres du poète nulle trace de politique. Il ne paraissait pas faire grand souci des droits des peuplesou des droits de la royauté. Le pays dans lequelil écrivait était d’ailleurs, par le charme du climat, par le progrès des arts, par la volupté raffinée dé sesmanières, entraîné à une existence délicieuse. Anacréons’y abandonna : ses odes nous le montrent toujoursamoureux et.volage ; il aima et il célébra les jeunesfilles ; même dans un âge avancé, il mêla ses cheveuxblancsà leurs blondes tresses : « Pourquoi ne pas mêler le lis aux roses, nous dit-il, leur couleur se marie si bien ? » Il aima le vin ; Ovide l’appelle avec enjouementet ironie Finosus senex. Il réunit ainsi tous les vices aimables de la Grèce folle et empressée auxplaisirs : il se fit heureux de ce bonheur sensuel que consacraient les anciennes religions ; il augmenta toujours par une douce philosophie et par la crainte de la mort qui s’avance les insatiables désirs de volupté. Frère aîné d’Horace, dans l’ordre des temps et de la poésie, il ne vit dans la tombe qu’une éternelle interruption du bonheur. Il avait hâte de s’abandonner à la joie, et lous ses jours s’écoulèrent dans les transports de l’ivresse et de la jouissance. S’il faut en croire Platon, Hipparque voulut attirer Anacréonàsa couretlui envoya une barque. Le poète ne sut pas résister à cette séduction : il apporta son aimable gaîté et ses poésies au tyran d’Athènes, à celui qui le premier ayant réuni l’Iliade et l’Odyssée Voulut que les rhapsodes les chantassent dans les fêtes panathénées. Puis à la mort du tyran il retourna à Téos. Anacréon eut une mort pareille à sa vie ; elle est le plus parfait emblème de son caractère et de ses habitudes : il fut suffoquédans la quatre-vingt-cinquième année de son âge par une graine de raisin. Nous avons recueilli de l’antiquité quelques monumens peu certains des traits et de la physionomie du poète. L’Iconographie de Canini et l’Iconographie grecque de Visconti nous indiquent de belles médailles comme reproduisant avec exactitude la têle d’Anacréon. La bibliothèque royale de Paris (cabinet du roi) en renfermait une ainsi expliquée : « La tête dé Neptune en profil, le dauphin et le trident qui sont dans le champ de là médaille caractérisent ce dieu. La légende du revers porte une inscription qui indique que c’est une monnaie des habitans de Téos sous le préteur de Tibérius Pépon. On y voit un poète avec une longue barbe et jouant de la lyre : cette image, quoique sans inscription , est certainement celle du poëte. » M. de Saint-Victor a fait dessiner cette médaille au frontispice de la troisième édition de la traduction des Odes d’Anacréon. Il ne nous reste qu’un petit nombre des ouvrages d’Anacréon. Outre ces petites odes charmantes, modèles de grâce et de fraîcheur, il avait écrit des hymnes qui sont perdues et des épigrammes dont quelques-unes seulement sont parvenues jusqu’à nous. Un-passage de l’ode XVIIe d’Horace nous permet de 16