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tels l’estime de l’or dont ils regardent la possession comme le plus précieux de tous les biens. C’est en ton honneur, puissante reine, que les vaisseaux combattent sur la plaine liquide, et que les coursiers excitent les applaudissemens en faisant voler les chars dans l’arène.

Il s’est acquis une gloire immortelle, celui qui dans nos combats a vu son front ceint de nombreuses couronnes, récompenses des triomphes que lui ont obtenus la vitesse de ses pieds, la vigueur de son bras. La force est un don que l’homme ne doit qu’à la bienveillance des dieux ; mais il est deux avantages dont nous pouvons tous jouir et qui seuls font épanouir et fécondent la fleur de notre vie : fortune et sagesse, vous avez tout si vous possédez ces deux biens. N’aspirez donc point à devenir un Jupiter ; mortel, contentez-vous de ce qui convient aux mortels.

Deux fois, ô Phylacidas ! les jeux de l’Isthme ont couronné ta valeur ; Némée t’a vu, ainsi que ton frère Pythéas, remporter la victoire au pancrace… Cependant mon cœur ne serait pas satisfait si je n’associais dans mes chants le nom des Éacides à vos noms glorieux ; ce sera encore en votre faveur, ô fils de Lampon ! que je viendrai à la suite des Grâces dans Égine, siège de la justice et des lois. Si les héros que cette illustre cité a produits ont constamment fait de la gloire, présent des dieux, le but de leurs efforts et de leurs vœux, pourquoi porterait-on envie aux chants que je leur adresse, comme la récompense de leurs nobles travaux ? La renommée fut de tout temps le prix après lequel ont soupiré les plus vaillans guerriers. Que leurs vertus aient été chantées au son des flûtes et des lyres, ils ont été satisfaits ; objets de vénération pour tous les mortels, ils ont fourni par la volonté de Jupiter une abondante matière aux louanges des sages.

C’est ainsi qu’aux pompeuses solennités de l’Étolie, on se plaît à nommer les valeureux enfans d’Œnée ; à Thèbes, Iolas habile à conduire les coursiers reçoit un public hommage ; Persée est honoré à Argos ; Castor et Pollux entendent célébrer leur valeur sur les bords de l’Eurotas ; dans Œnone, on exalte la magnanimité d’Éaque et de ses fils qui deux fois saccagèrent la cité de Troie, d’abord avec Hercule, ensuite sous la conduite des fiers Atrides.

Maintenant, ô ma Muse ! élance ton char au-dessus de la terre ; dis-moi sous quels coups succombèrent et Cycnus et Hector et l’intrépide Memnon, chef des Éthiopiens ; quel héros, sur les rives du Caïcus, perça de son javelot le vaillant Télèphe : rappelle-moi ces grands hommes à qui toutes les bouches publient qu’Égine donna le jour.

Depuis longtemps cette cité fameuse s’est élevée par ses vertus, comme une tour qui porte son faîte dans les nues ; aussi est-elle souvent le but vers lequel ma Muse, juste dispensatrice de la gloire, a mille traits à lancer. Salamine, berceau d’Ajax, sauvée par ses flottes, ne fut-elle pas témoin de la bravoure de ses peuples, dans ce terrible combat où une multitude aussi serrée qu’une pluie orageuse tomba sous leurs coups comme les feuilles sous les coups de la grêle.

Toutefois, ô ma Muse, que tes louanges soient réservées et circonspectes ; car c’est du puissant maître de toutes choses, c’est de Jupiter que viennent également aux mortels et leurs biens et leurs maux. Mais les victoires des athlètes et leurs combats, ma lyre peut les célébrer sans crainte ; les chants des poëtes sont, pour le triomphateur, aussi délicieux que le miel. Pourra-t-il se présenter dans l’arène et se flatter de l’espoir d’une couronne, l’athlète qui connaît la famille des Cléoniens ? Non : les travaux des héros qu’elle a produits ne sont point enveloppés de ténèbres ; et les trésors qu’a prodigués leur générosité ont mis pour jamais leurs espérances à l’abri des revers dans nos combats.

C’est à Pythéas, en finissant, que j’adresse mes louanges ; c’est lui qui, en maître habile, parmi tant de robustes athlètes, a exercé les membres de Philacidas et a développé en son disciple cette vigueur et cette égalité d’âme garantes de la victoire. Apporte donc, ô ma Muse ! la couronne et les bandelettes destinées au vainqueur ; et fais voler vers lui cet hymne que tu viens de m’inspirer en son honneur.

VI.

À PHYLACIDAS, À PYTHÉAS ET À EUTHYMÈNE LEUR ONCLE MATERNEL

Ainsi que dans un banquet splendide auquel vient s’asseoir la fleur des citoyens, vidons, ô ma Muse ! pour la race de Cléonicus, la se-