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savoir si je devais l’accomplir, et il m’a répondu qu’il fallait sur-le-champ vous équiper un vaisseau et vous exhorter à partir pour cette expédition. N’hésitez donc pas, je vous en prie, à acquitter ma dette ; je m’engage à vous rendre le trône à votre retour, et je prends à témoin de mes sermens le puissant Jupiter dont nous descendons l’un et l’autre. » Tous approuvèrent son discours, et ils se séparèrent de lui.

Cependant Jason a fait proclamer dans la Grèce, par la voix des hérauts, l’expédition qu’il médite. Bientôt accourent trois fils de Jupiter, infatigables dans les combats, le fils d’Alcmène aux noirs sourcils et les jumeaux enfans de Léda. Deux héros à la chevelure touffue, issus du dieu qui ébranle la terre, arrivent aussi, l’un de Pylos et l’autre des sommets du Ténare. Jamais elle ne périra la gloire que vous vous êtes acquise par cet exploit, Euphémus et toi, Périclymène. À tous ces héros, se joignit le fils d’Apollon, Orphée chantre divin et père de la poésie lyrique. Le dieu qui porte un caducée d’or, Mercure, associe à cette entreprise périlleuse ses deux fils, Échion et Eurytus, tous deux brillans de jeunesse ; ils arrivent des vallées que domine le Pangée. Joyeux de concourir à cette noble conquête, Zéthès et Calaïs se joignent aux héros : le roi des vents, Borée, fier du courage de ses deux fils, leur fait présent de deux ailes pourprées qui s’agitent derrière leurs blanches épaules. Enfin Junon souffle dans le cœur de tous ces demi-dieux une telle ardeur à s’embarquer sur le navire Argo qu’aucun d’eux ne songe plus à couler à l’abri des dangers des jours paisibles près d’une tendre mère, mais plutôt à conquérir avec ses rivaux une gloire éclatante, seule capable de faire vivre son nom au delà du tombeau.

Quand cette élite de la Grèce fut arrivée dans Iolcos, Jason en fait le dénombrement et la comble des éloges qu’elle mérite. Au même instant, Mopsus habile augure, interroge les destins et ordonne aux guerriers de monter promptement sur le navire. On lève l’ancre et on la suspend à la proue ; alors le chef intrépide de tant de héros, debout sur la poupe, prend en ses mains une coupe d’or ; il invoque et le père des dieux, le grand Jupiter, qui lance la foudre comme un trait, et les vents impétueux et les flots rapides ; il leur demande une heureuse navigation, des nuits et des jours sereins et un prompt retour dans leur patrie.

Soudain du haut des nues embrasées par la foudre, le tonnerre gronde en éclats propices. À ces signes non équivoques de la volonté du ciel, les héros s’arrêtent, immobiles d’étonnement ; mais le devin interprétant ce phénomène, les remplit tous d’espérance et de joie. Il les engage à se courber sans délai sur la rame. Aussitôt les flots agités fuient sous les coups redoublés de leurs bras vigoureux ; ils voguent, et, secondés par le souffle du Notus, ils arrivent aux bouches de la mer inhospitalière. Là ils dédient un bois sacré à Neptune, dieu des mers, et sur un autel que jadis des mains divines élevèrent en ces lieux, ils lui immolent un troupeau de taureaux de Thrace, qui s’offre à leurs regards sur le rivage. Souvent dans la suite, à la vue des périls dont ils sont menacés, ils adressent leurs vœux au dieu protecteur des nautoniers : ils le conjurent de les préserver du choc presque inévitable de ces roches qui se heurtent au sein des mers. Deux d’entre elles sont vivantes, et roulent plus rapides qu’un tourbillon de vents impétueux ; mais le vaisseau des demi-dieux par sa présence leur enlève pour toujours le mouvement et la vie.

Enfin ils arrivent à l’embouchure du Phase, et livrent sur ses bords, aux farouches enfans de la Colchide, un combat sanglant, non loin du palais même d’Aétès.

Mais voici que la déesse dont les traits subtils blessent les cœurs des hommes, l’aimable Cypris descend de l’Olympe, portant sur son char aux roues brillantes cet oiseau, qui le premier inspira aux mortels les fureurs d’un incurable amour.

Elle enseigne au sage fils d’Éson, par quels prestiges enchanteurs il bannira de l’esprit de Médée le respect qu’elle doit aux volontés de son père et inspirera à son cœur dompté par la persuasion, un violent désir de voir les riantes campagnes de la Grèce. Cette princesse en effet ne tarda pas à révéler au jeune étranger par quel moyen il sortira victorieux des épreuves que lui préparait son père. Elle compose avec de l’huile et des sucs précieux un liniment salutaire dont la vertu rend le corps de Jason inaccessible à la douleur. Mais déjà tous deux épris l’un de l’autre, se sont juré de s’unir par les doux liens de l’hymen.