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on permit aux athlètes victorieux de fournir des tables magnifiques pour exposer les couronnes ; celle d’Iphitus était ornée de bas-reliefs, ouvrage de Colotès, élève de Phidias. Puis, comme la poésie faisait ordinairement l’éloge des vainqueurs, chacun d’eux fut jaloux de voir célébrer son triomphe par un panégyriste dont la renommée s’étendît au loin ; aussi payait-on à grands frais les poëtes les plus célèbres et un chœur nombreux de musiciens, qui mêlaient leurs accords mélodieux aux chants des hymnes. Bientôt la sculpture se réunit à la poésie et à la musique pour éterniser ces triomphes. Des statues furent érigées aux vainqueurs dans le lieu même où ils avaient été couronnés, quelquefois aussi dans celui de leur naissance. La patrie faisait ordinairement les frais d’un monument dont elle partageait la gloire. Le bois sacré de l’Altis était rempli d’une quantité prodigieuse de statues des dieux, des héros, et surtout des athlètes ; on y voyait aussi un grand nombre d’autels et de trophées magnifiques. Si le vainqueur était peu fortuné, il était nourri le reste de ses jours dans le prytanée aux dépens de la patrie, et le trésor lui payait chaque année 500 drachmes, environ 250 francs de notre monnaie. Ils avaient encore la préséance dans les jeux publics, et étaient exempts d’impôt et de toute fonction onéreuse. Tous ces avantages sont énumérés dans ce passage de Xénophanes, de Colophon :

All’ei men tachutêti podôn nikên tis aroito,

ê pentathlenôn entha dios temenos,
par Pisao roês en Olumpiê, eite palaiôn,
ê kai puktosunên alginoessan echôn,
ei te ti deinon aethlon, o pankration kaleousin,
astoisi k’eiê kedroteros pros akra,
kaike proedriên phanerên en agôsin aroito,
kaike siteiê dêmosiôn kteanôn
ek poleôs, kai dôron o oi keimêlion eiê,
eite kai ippoisin tanta g’apanta lachoi.

Lorsque l’athlète retournait dans sa patrie, ses parens et ses amis lui formaient un cortège nombreux ; et à son arrivée ses concitoyens sortaient au-devant de lui pour le recevoir. Monté sur un char à quatre chevaux, et décoré des marques de sa victoire, il entrait dans la ville, non par la porte, mais par une brèche que l’on faisait exprès à la muraille. On portait des flambeaux devant son char, qui s’avançait lentement au milieu des cris d’allégresse, des fanfares des instrumens, des chants de victoire, précédé et suivi d’un cortège plus nombreux et plus magnifique encore que celui qui l’avait accompagné dans le voyage.

La cérémonie du triomphe athlétique se terminait ordinairement par un festin que le peuple donnait à ses dépens au vainqueur, à ses parens et à ses amis, ou que l’athlète donnait à ses frais ; et alors il régalait souvent une grande partie des spectateurs. Quand le peuple en faisait la dépense, les athlètes étaient traités dans les prytanées. Celui d’Olympie, placé dans le bois sacré de Jupiter, auprès du gymnase, avait une salle pour les festins publics. Lorsque les athlètes en faisaient eux-mêmes les frais, ils choisissaient des lieux proportionnés à la multitude des conviés. Alcibiade, après s’être acquitté des sacrifices dus à Jupiter (car c’était toujours par là que se terminait le cinquième jour des combats), traita toute l’assemblée avec une somptuosité extraordinaire.

C’était ordinairement au milieu de la joie de ces festins que la poésie célébrait le triomphe du vainqueur et la gloire qui en rejaillissait sur sa patrie et sur ses parens. Aussi l’enthousiasme des convives semblait se communiquer au poète : son esprit s’enflammait ; et alors ses chants s’élevaient véritablement à la hauteur de son sujet. Ainsi, quelque magnifiques, quelque sublimes que soient les expressions figurées de Pindare pour représenter la gloire dont se couvraient les vainqueurs, elles ne sont ni outrées ni hyperboliques et ne font que retracer la haute idée que les Grecs eux-mêmes en avaient. Ce peuple éclairé ne concevait rien de comparable ; il ne croyait pas qu’il fût permis à un mortel de porter ses désirs plus loin ; et cette opinion subsistait encore du temps de Cicéron et d’Horace. Cicéron, dans ses Tusculanes, assure que la victoire que l’on remportait aux jeux olympiques était pour les Grecs ce que l’ancien consulat dans toute la splendeur de son origine était pour les Romains : Olympiorum victoria, Græcis consulatus ille antiquis videbatur. Ailleurs il dit que vaincre à Olympie était presque dans l’idée des Grecs quelque chose de plus grand et de plus glorieux que de recevoir à Rome les honneurs du triomphe : Olympionicam esse, apud Græcos propè majus fuit et gloriosiùs quàm Romæ triumphasse (pro Flacco, n. 31). Mais Horace parle de ces sortes de victoires dans des termes