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est toujours la compagne de l’homme paresseux ; les dieux et les mortels haïssent également celui qui vit dans l’oisiveté, semblable en ses désirs à ces frelons privés de dards qui, tranquilles, dévorent et consument le travail des abeilles. Livre-toi avec plaisir à d’utiles ouvrages, afin que tes granges soient remplies des fruits amassés pendant la saison propice. C’est le travail qui multiplie les troupeaux et accroît l’opulence. En travaillant, tu seras bien plus cher aux dieux et aux mortels : car les oisifs leur sont odieux. Ce n’est point le travail, c’est l’oisiveté qui est un déshonneur. Si tu travailles, les paresseux bientôt seront jaloux de toi en te voyant t’enrichir ; la vertu et la gloire accompagnent la richesse : ainsi tu deviendras semblable à la divinité. Il vaut donc mieux travailler, ne pas envier inconsidérément la fortune d’autrui et diriger ton esprit vers des occupations qui te procureront la subsistance : voilà le conseil que je te donne. La mauvaise honte est le partage de l’indigent. La honte est très-utile ou très-nuisible aux mortels. La honte mène à la pauvreté, la confiance à la richesse. Ce n’est point par la violence qu’il faut s’enrichir, les biens donnés par les dieux sont les meilleurs de tous. Si un ambitieux s’empare de nombreux trésors par la force de ses mains ou les usurpe par l’adresse de sa langue (comme il arrive trop souvent lorsque l’amour du gain séduit l’esprit des hommes et que l’impudence chasse toute pudeur), les dieux le précipitent bientôt vers sa ruine ; sa famille s’anéantit et il ne jouit que peu de temps de sa richesse. Il est aussi coupable que celui qui maltraiterait un suppliant ou un hôte, qui, monté en secret sur la couche d’un frère, souillerait sa femme d’embrassemens illégitimes, dépouillerait par une indigne ruse des enfans orphelins ou accablerait d’injurieux discours un père parvenu au triste seuil de la vieillesse. Jupiter s’irrite contre cet homme et lui envoie enfin un châtiment terrible en échange de ses iniquités. Mais toi, que ton esprit insensé s’abstienne de semblables crimes. Offre, selon tes facultés, des sacrifices aux dieux immortels (23) avec un cœur chaste et pur, et brûle en leur honneur les cuisses brillantes des victimes. Apaise-les par des libations et par de l’encens quand tu vas dormir ou lorsque brille la lumière sacrée du jour, afin qu’ils aient pour toi une âme bienveillante et que tu achètes toujours le champ d’autrui sans jamais vendre le tien. Invite ton ami à tes festins et laisse là ton ennemi ; invite surtout l’ami qui habite près de toi : car s’il t’arrive quelque accident domestique, tes voisins accourent sans ceinture, tandis que tes parens se ceignent encore. Un mauvais voisin est un fléau autant qu’un bon voisin est un bienfait. C’est un trésor que l’on rencontre dans un voisin vertueux. Il ne mourra jamais un de tes bœufs, à moins que tu n’aies un méchant voisin. Mesure avec soin tout ce que tu empruntes à ton voisin ; mais rends-lui autant et davantage si tu le peux, afin que si un jour tu as besoin de lui, tu le trouves prêt à te secourir.

Ne recherche pas des gains déshonorans ; de tels bénéfices équivalent à des pertes. Tu dois chérir qui le chérit, visiter qui te visite, donner à qui te donne, ne rien donner à qui ne te donne rien. On rend présent pour présent et refus pour refus. La libéralité est utile ; la rapine est funeste et ne cause que la mort. L’homme qui donne volontairement, quelle que soit la grandeur du bienfait, s’en réjouit et en est charmé jusqu’au fond de l’âme. Celui qui, fort de son impudence, commet un larcin, malgré la modicité du profit, sent le remords déchirer son cœur. Si tu acquiers peu à peu, mais souvent, tu auras bientôt amassé une grande fortune : qui sait ajouter à ce qu’il possède déjà, évitera la noire famine. Ce qu’on a déposé dans sa maison ne cause plus d’inquiétude. Il vaut mieux garder ses biens dans l’intérieur de ses foyers, puisque ce qui est dehors n’est pas en sûreté. S’il est agréable d’user de ce qu’on a près de soi, il est pénible d’avoir besoin de ce qui est ailleurs. Je t’engage à y songer. Bois à longs traits le commencement et la fin du tonneau, mais épargne le milieu. On le ménage trop tard, quand on ne ménage que le fond (24).

Donne toujours à ton ami le salaire convenu. En riant même avec ton frère, appelle un témoin : la crédulité et la défiance perdent également les hommes (25). Qu’une femme indécemment parée (26) ne te séduise point en t’agaçant, par son doux babil et en s’informant de ta demeure : c’est se fier au voleur que se fier à la femme. Qu’un fils unique garde la maison paternelle, ainsi tes richesses s’accroîtront dans tes foyers. Puisses-tu ne mourir que vieux en laissant un autre enfant ! C’est aux familles nombreuses