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ligion égyptienne dans la Théogonie, ce Typhoë, qu’Hésiode décrit sous l’image d’un monstre combattu par Jupiter, nous semblera une copie du Typhon d’Égypte, dieu malfaisant. Il y a dans cette lutte une allusion au dualisme des principes du bien et du mal, représentés dans l’Égypte par Osiris et Typhon.

Cette Hécate, qu’Hésiode le premier transporta dans le polythéisme grec, n’est autre, suivant Jablonski (Panthéon égyptien), que la Titrambo égyptienne.

Latone est assimilée par Hérodote (liv. 2, c. 156) à l’Égyptienne Buto, qui représente l’air ténébreux dont la région sublunaire est remplie. Le même historien compare Apollon à Orus, Cérès à Isis, Artémis à Bubastis.

La nuit primitive, Aides ou Pluton, Athéné ou Minerve, Héphaistos ou Vulcain, nous reportent à l’Athor, à l’Amanthès, à la Neitha, au Phtas de l’Égypte.

Enfin, les formes grandioses et monstrueuses attribuées aux premiers simulacres de la Grèce, certaines idées sur la génération des êtres, sur les qualités des élémens, sur le dogme encore confus de l’immortalité de l’âme, attestent les nombreux emprunts que les chantres sacrés de la Grèce firent aux prêtres de Memphis. N’oublions pas qu’Hérodote (liv. 2, c. 81) considérait comme identique les qualifications d’Orphique et d’Égyptien.

L’Inde nous fournira aussi plusieurs lumières dont les croyances du polythéisme d’Hésiode n’ont été que le reflet.

Les Pouranas traitent, ainsi que la Théogonie, de la création du monde et de la généalogie des dieux.

Minerve est enfantée par la tête de Jupiter, comme les Brames sont issus de celle de Brama.

Jupiter, renfermant Métis dans ses entrailles, rappelle le Dieu suprême de l’Inde, qui tire de son propre sein Mana, ou l’intelligence.

Vichnou et les géans luttent pour la possession de l’amrita, breuvage d’immortalité, comme Jupiter et les Titans pour l’empire de l’Olympe.

Les centimanes d’Hésiode ont pu avoir été modelés d’après ce Crischna, qui possède une si grande quantité de bras, d’yeux et de bouches.

Saturne engloutit ses enfans comme Haranguer Behah : les deux cultes consacrent le symbole universel de la créature détruite par son propre créateur.

Nous pourrions signaler encore d’autres généalogies mythiques tirées des religions antérieures au polythéisme grec. Ainsi les Grecs ont peut-être reçu leur Hythyia du pays des Hyperboréens et leur Neptune de la Lybie. C’est peut-être de la Scythie que Vesta leur est venue. On dirait qu’il existe des rapports entre les Izeds qu’Ormuzd créa pour faire le bien et les génies tutélaires dont parle Hésiode ; entre Persée et Mithras ; entre Hercule et le Roustan de l’épopée persane ; entre l’Olympe de la Grèce et l’Albordj de la Perse, qui rappellent tous deux le mont Mérou de l’Inde. Toute la race du soleil et de la lune contient une foule de dénominations orientales et les souvenirs d’un culte astronomique.

Ainsi s’éleva le polythéisme de la Grèce, vaste panthéon où chaque nation appliqua son ciment, mais qui, malgré tant de couches successives, dut au génie hellénique la majesté, l’harmonie et la grandeur de son ensemble. L’époque où le polythéisme acquit le plus d’indépendance et de popularité fut l’époque homérique. La période antérieure est celle vers laquelle remonte Hésiode. Ces merveilleuses et gigantesques créations des premiers âges, telles que les Cyclopes, les Centimanes, les Harpies, les Gorgones, Typhoë, la Chimère, Échidna occupent chez lui plus de place que chez Homère. La Théogonie contient des allusions, soit aux guerres et aux actions des anciens héros, soit aux conflagrations, aux déluges, aux catastrophes locales ou universelles qui avaient ravagé le globe, soit aux luttes de quelques sacerdoces ennemis, soit enfin au sabéisme et aux dogmes symboliques répandus dans la Grèce primitive. De là un antagonisme de l’ancien et du nouvel élément religieux ; de là une œuvre complexe où, à travers le coloris de la forme grecque, on voit souvent percer le fond des doctrines orientales ; de là une mosaïque composée des débris de la théologie d’Orphée et de l’anthropomorphisme d’Homère, mais où l’on remarque déjà quelques-uns de ces premiers matériaux qui servirent dans la suite à la construction du nouveau temple érigé par Pythagore et par Socrate. Quoique le culte chez Hésiode n’ait point dépouillé encore la grossièreté de ses anciennes formes, sa morale commence à s’améliorer. Les dieux mettent plus de soin à juger les actions humaines, à récompenser la vertu, à punir le crime. L’Olympe mythologique, à mesure qu’il s’éloigne de la terre, s’élève vers une région plus brillante et plus pure.

L’examen du système, ou, pour mieux dire, des divers systèmes que renferme la Théogonie, a donné lieu à une foule d’explications contradictoires. Les uns, à l’instar des savans de l’école d’Alexandrie, n’y ont vu qu’une série continuelle de symboles et d’allégories ; les autres, adoptant les idées d’Évhémère et de Diodore de Sicile, n’ont regardé les dieux que comme de simples mortels divinisés à cause de leurs services envers l’humanité ; c’est avec la clé de l’histoire qu’ils ont cru ouvrir le sanctuaire de toutes les énigmes de la fable. Nous ne nions pas que l’histoire ne soit quelquefois entrée comme élément important dans le polythéisme d’Hésiode ; mais nous pensons que c’est dans le symbole et dans le mythe qu’il faut en chercher la base fondamentale. Ces symboles, ces mythes s’étaient développés, quelquefois altérés ou perdus avec le temps ; leur type primitif avait dû né-