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Les deux divinités sont joyeuses de se revoir : leur cœur s’en réjouit. Rhée adresse alors ces paroles à Cérès :

« Ma fille, Jupiter, maître de la foudre, vous ordonne de venir prendre place parmi les immortelles et vous promet de vous faire rendre les honneurs que vous désirez au milieu des divinités. Il a décidé que votre fille demeurera la troisième partie de l’année dans les sombres demeures et le reste avec vous et les autres dieux. Il l’a promis d’un signe de sa tête : venez donc, mon enfant, laissez-vous fléchir par ces promesses, ne soyez pas plus longtemps irritée contre Jupiter ; rendez promptement les fruits nourrissans de la terre aux mortels. »

Cérès à la belle couronne ne résiste point à ces paroles ; elle rend la fécondité aux campagnes : la terre se couvre de feuillages et de fleurs ; la déesse enseigne aux rois chefs de la justice, à Triptolème, à Dioclès, écuyer habile, au courageux Eumolpe, à Céléus, pasteur des peuples, le ministère sacré de ses autels ; elle confie à Triptolème, à Polyxène, à Dorlé les mystères sacrés qu’il n’est permis ni de pénétrer ni de révéler : la crainte des dieux doit retenir notre voix. Heureux celui des mortels qui fut témoin de ces mystères ; mais celui qui n’est point initié, qui ne prend point part aux rites sacrés, ne jouira point d’une aussi belle destinée, même après sa mort, dans le royaume des ténèbres.

Cérès ayant accompli ses desseins, les deux divinités remontèrent dans l’Olympe et se mêlèrent à l’assemblée des immortels. Là, environnées d’une sainte vénération, elles habitent auprès du formidable Jupiter. Heureux entre tous les mortels celui qu’elles chérissent : elles envoient pour le visiter dans ses demeures le dieu Plutus, qui distribue la richesse aux faibles humains.

Auguste déesse des saisons, puissante Cérès, qui nous comblez de présens, vous qui régnez dans la ville d’Éleusis, à Paros et sur la pierreuse Antrone ; et vous, sa fille, belle Proserpine, soyez favorable à ma voix, daignez m’accorder une vie heureuse ! je ne vous oublierai pas et je vais dire un autre chant.

HYMNE V.

A Vénus.

Je chanterai la belle Vénus à la couronne d’or. Elle a pour empire les bords de l’île de Cypre, où le souffle humide du zéphyr la transporte sur une molle écume à travers les vagues mugissantes de la mer. Les Heures aux riches bandeaux la reçoivent avec allégresse et l’ornent de vêtemens divins : sur son front immortel elles placent une belle couronne d’or admirablement travaillée, dans ses oreilles percées des bijoux d’orichalque, enrichis d’or pur ; elles environnent son cou délicat d’un collier d’or qui retombe sur sa blanche poitrine, admirable collier que portent les Heures elles-mêmes quand elles se rendent aux danses des dieux et dans le palais de leur père. Sa toilette achevée, elles conduisent cette déesse dans l’assemblée des immortels. Ceux-ci la saluent et lui présentent la main. Chacun d’eux désirerait conduire en sa demeure cette aimable vierge pour en faire son épouse, tant Cythérée couronnée de violettes leur semble digne d’admiration.

Salut, déesse au regard séduisant, au doux sourire : accordez-moi la victoire dans ce combat, protégez les accens de ma voix : moi, je ne vous oublierai pas et je vais chanter un autre hymne.

HYMNE VI.

A Bacchus.

Je chanterai Bacchus, fils illustre de Sémélé : je dirai comment au bord de la mer stérile, sur un promontoire élevé, il parut tel qu’un jeune héros à la fleur de l’âge. Ses beaux cheveux noirs flottaient sur son cou ; ses larges épaules étaient couvertes d’un manteau de pourpre. Tout à coup un navire aux larges flancs chargé de pirates tyrrhéniens s’avance à travers les flots : une destinée contraire amenait ces pirates en ces lieux. Dès qu’ils voient Bacchus, ils se font des signes entre eux et s’élancent ; le cœur transporté de joie, ils se hâtent de le conduire dans leur vaisseau ; ils croyaient qu’il était fils des rois issus de Jupiter et voulaient l’enchaîner avec des liens pesans. Mais rien ne peut le retenir ; l’osier tombe de ses pieds et de ses mains : lui, regardant les nautoniers avec un doux sourire, s’assied auprès d’eux. À cette vue, le pilote effrayé appelle ses compagnons et leur dit :

« Ah ! malheureux, quel est donc ce dieu puissant que vous prétendez enchaîner ? Votre navire solide ne peut y suffire. C’est Jupiter,