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divin rayonne autour de la déesse, ses blonds cheveux flottent sur ses épaules ; tout le palais est rempli d’une splendeur semblable à l’éclair de la foudre. La déesse alors disparaît de ces demeures. En ce moment, Métanire sent fléchir ses genoux, elle reste longtemps sans voix, elle oublie même de relever son fils étendu sur la terre. Cependant les cris plaintifs de Démophon arrivent jusqu’aux oreilles de ses sœurs : aussitôt elles s’élancent de leurs couches ; l’une d’elles prend l’enfant dans ses bras et le presse contre son sein, une autre allume du feu, la troisième court avertir la mère ; puis, groupées autour de leur frère, elles lavent son corps palpitant et le comblent de caresses ; mais rien ne peut apaiser son âme : ses nourrices et ses gouvernantes sont bien inférieures à Cérès.

Durant toute la nuit, en proie à la plus grande frayeur, elles apaisent l’illustre déesse. Dès que l’aurore se lève à l’horizon, elles racontent au puissant Céléus toute la vérité, comme le leur a ordonné la déesse Cérès à la couronne resplendissante. Alors le roi réunit ses peuples nombreux, leur donne l’ordre d’élever à la déesse un temple et un autel sur le sommet d’une colline. Tous se hâtent d’exécuter ses ordres : un temple est construit comme le commande Céléus et s’avance rapidement par la volonté de la déesse. Dès qu’il fut terminé, le peuple cessa les travaux, chacun rentra dans sa demeure.

Alors la blonde Cérès vient s’y asseoir, loin de tous les dieux ; et le cœur rongé de tristesse par le désir de revoir sa fille à l’ample tunique, elle envoya une année terrible et funeste aux mortels : la terre ne produisit point de semences ; Cérès à la belle couronne les retenait dans les sillons. C’est en vain que les bœufs traînaient dans les champs le soc recourbé de la charrue ; c’est en vain que le froment le plus pur était répandu dans les guérets : la race des mortels allait périr par les horreurs de la faim, les sacrifices et les offrandes allaient manquer pour toujours aux divinités de l’Olympe si Jupiter, à la vue de ces maux, n’eût conçu dans son âme une sage résolution. Il envoie Iris aux ailes d’or appeler Cérès à la blonde chevelure et brillante d’une aimable beauté. Iris, d’après les ordres de Jupiter, franchit l’espace d’un vol rapide. Arrivée à la ville d’Éleusis, elle trouve dans le temple Cérès couverte d’un voile d’azur ; elle lui adresse aussitôt ces paroles :

« Cérès, le grand Jupiter à l’immuable volonté vous ordonne de venir à l’assemblée des dieux immortels. Hâtez-vous, afin que l’ordre de Jupiter ne reste pas inaccompli. »

Les paroles d’Iris étaient suppliantes, mais Cérès n’obéit pas. Jupiter lui adresse tous les dieux immortels : ils la conjurent tour à tour de venir dans l’Olympe ; ils lui offrent de nombreux présens et lui promettent dans l’assemblée des dieux tous les honneurs qu’elle pourra désirer. Mais nul ne peut fléchir le cœur de la déesse irritée. Elle rejette leurs vœux : enfin elle annonce qu’elle n’ira dans l’Olympe qu’après avoir revu sa fille aux doux regards.

Dès que Jupiter connaît cette résolution, il envoie dans l’Érèbe Mercure à la baguette d’or. Il le charge de décider Pluton, par des paroles insinuantes, à permettre que la chaste Proserpine s’éloigne du ténébreux empire et jouisse de la lumière dans l’assemblée des dieux, afin que Cérès soit apaisée à la vue de sa fille. Mercure obéit à cet ordre, il abandonne les demeures de l’Olympe et s’élance dans les abîmes de la terre. Il trouve le roi des ombres dans son palais, assis sur sa couche à côté de sa vénérable épouse, que le désir de revoir sa mère accablait de tristesse. Le meurtrier d’Argus s’approche de Pluton et lui tient ce discours :

« Pluton à la noire chevelure, roi des ombres, Jupiter m’ordonne de conduire la chaste Proserpine hors de l’Érèbe, au milieu de nous, afin que Cérès, voyant sa fille, abandonne sa colère envers les immortels. Cette déesse a le dessein terrible d’anéantir la race des mortels en cachant la semence au fond de la terre et de détruire ainsi les honneurs des divinités. Elle nourrit une colère terrible ; elle ne s’unit point aux autres dieux : seule à l’écart dans son temple parfumé, elle a fixé son séjour dans la forte citadelle d’Éleusis. »

À ce discours, Pluton, roi des morts, sourit. Obéissant à l’ordre de Jupiter, il parle en ces mots à la prudente Proserpine :

« Retournez, Proserpine, auprès de votre mère au voile d’azur. Conservez en votre âme une douce pensée et ne vous abandonnez pas à des chagrins inutiles. Certes, parmi les immortels, je ne suis pas un mari indigne de vous, moi, frère de Jupiter. Quand vous reviendrez en ces lieux, vous règnerez sur toutes les ombres qui les habitent, et vous jouirez des grands honneurs réservés aux divinités, et le châtiment frappera l’impie qui négligerait de vous offrir