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les a refusés ; je serai le dieu des voleurs. Si l'illustre fils de Latone veut me poursuivre, il pourrait bien lui arriver quelque funeste aventure. Je pénétrerai jusque dans Pytho ; là je briserai les portes de sa vaste demeure, j'emporterai ses trépieds, ses bassins d'or, l'airain brillant et ses nombreux vêtemens. Vous, mère, si vous le voulez, vous pourrez être témoin de ce triomphe. »

Tels étaient les discours que tenaient ensemble le fils du maître de l'égide et la divine Maïa. Bientôt l'aurore matinale se leva du sein de l'Océan pour venir éclairer les mortels.

Cependant le brillant Apollon arrivait à Oncheste en parcourant les bois sacrés du bruyant Neptune. Là il rencontra un vieillard qui, près du chemin, était occupé à clore son champ d'une haie. Le fils de Latone lui parla en ces termes :

« Vieillard qui liez ensemble les buissons des verdoyantes campagnes d'Oncheste, je viens ici de Piérie à la recherche de génisses au front armé de cornes qu'on a enlevées à mon troupeau. Un seul taureau noir paissait à l'écart ; quatre chiens vigilans surveillaient le troupeau comme auraient fait de fidèles bergers : ce qui est étonnant, c'est que les chiens et le taureau noir sont restés, tandis qu'au coucher du soleil les génisses ont abandonné les prairies verdoyantes et les gras pâturages. Vénérable vieillard, veuillez donc me dire si vous avez vu un homme chassant devant lui des génisses sur cette route.

— Ami, lui répondit le vieillard, il me serait difficile de vous dire tout ce que mes yeux ont vu. Beaucoup de voyageurs passent par cette route, les uns avec de bons desseins, les autres avec de mauvaises pensées : je ne puis pénétrer ainsi l'âme de chacun. Pourtant, durant tout le jour et jusqu'au déclin du soleil, j'ai constamment travaillé à ma vigne. En effet, noble étranger, il me semble avoir entrevu un enfant (je n'ai pu le distinguer parfaitement) qui, quoique dans un âge bien tendre, poussait avec un bâton à la main un troupeau de belles génisses. Il marchait à reculons ; il suivait bien les génisses, mais leurs têtes étaient tournées dans un sens contraire à la sienne. »

Tel fut le discours du vieillard. Phébus l'ayant entendu poursuivit rapidement sa course. Alors il aperçoit un oiseau qui traverse le ciel les ailes étendues, il reconnaît aussitôt que le voleur est le fils de Jupiter ; il s'enveloppe d'un nuage, s'élance dans la divine Pylos pour y chercher ses génisses, et dès qu'il aperçoit les traces de leurs pieds, il s'écrie :

« Grands Dieux ! quel prodige s'offre à ma vue ! Voici bien les traces de mes génisses aux cornes élevées, mais elles sont dirigées du côté de la prairie. Ce ne sont les pas ni d'un homme, ni des loups, ni des ours, ni des lions, ni des autres bêtes fauves ; ils ne me paraissent pas ressembler aux pas du Centaure velu qui laisse d'énormes vestiges en marchant d'un pied rapide : ces pas sont plus difficiles encore à reconnaître loin du chemin qu'à ses abords. »

Prononçant ces paroles, le fils de Jupiter s'élance avec rapidité ; il parvient sur le sommet du Cyllène ombragé de forêts et s'approche de l'antre profond où la nymphe divine donna le jour au petit fils de Saturne. La montagne exhalait un délicieux parfum et de nombreux troupeaux paissaient l'herbe de la prairie. Apollon qui lance au loin ses traits se hâte de franchir le seuil de pierre et pénètre dans l'obscurité de la grotte.

Le fils de Jupiter et de Maïa, apercevant Apollon irrité du vol de ses génisses, s'enfonce aussitôt dans ses langes parfumés et reste enveloppé comme un tison enfoui sous des cendres amoncelées. A la vue du dieu qui lance au loin ses traits, Mercure, qui redoute sa présence, ramasse en un peloton sa tête, ses mains et ses pieds, comme un homme qui, sortant du bain, veut s'abandonner aux charmes du sommeil. Le dieu portait sous son bras la lyre divine. Il reconnaît aussitôt la belle nymphe des montagnes et son fils chéri, faible enfant s'enveloppant dans des langes trompeurs. Alors Apollon pénètre des yeux tous les coins de cette vaste demeure ; il saisit une clé brillante, ouvre trois cabinets les plus reculés, tous remplis de nectar et d'ambroisie. Là se trouvaient entassés beaucoup d'or, d'argent, les nombreuses parures de pourpre et les parures blanches de la nymphe, telles qu'en renferment les demeures secrètes des dieux. Le fils de Latone ayant fouillé dans ces réduits adresse ces paroles à Mercure :

« Enfant qui reposes dans ce berceau, dis-moi promptement où se trouvent mes génisses ; autrement s'élèveraient entre nous de funestes débats : je te saisirai, je le précipiterai dans le sombre Tartare, au sein des ombres funestes et horribles. Ni ton père ni ta mère vénérable ne