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et qui sont restés justement célèbres dans tout le monde civilisé. Sa résistance aux Asiatiques, quoique démesurément amplifiée et exaltée par les historiens et les poètes, fut singulièrement honorable et glorieuse. Il a eu des héros et il a eu des saints, dans le sens vrai de ce mot. C’est un grand peuple qui s’effondre.

Il est très probable qu’il va disparaître en très peu de temps, peut-être avant la fin de ma vie. Sa décadence a été d’une rapidité anormale et comme prodigieuse. On peut l’attribuer vraisemblablement à plusieurs causes. Il avait un fond de frivolité et d’outrecuidance qui lui faisait croire que le monde était destiné à être sa conquête, et il s’est jeté dans des entreprises folles qui l’ont amené en trois générations à être conquis, désarmé et blessé à mort. Il respire actuellement, parce que ses vainqueurs sont occupés ailleurs ; mais un nouveau conquérant, et qui n’aura pas beaucoup de peine à être le conquérant définitif, peut se dresser demain.

Ce peuple ne prend point du tout le chemin qui peut mener au relèvement et à la santé politique. Après avoir été trop patriote et comme enivré de volonté de puissance, il semble n’être plus patriote le moins du monde, et c’est bien un trait et une marque de sa versatilité naturelle. Il croit être