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Platon lui-même et d’ailleurs très contestable ; mais elle contient une âme de vérité, parce que, prise à l’inverse, elle est assez vraie, parce que ce n’est pas de l’égalité que naît l’amitié, mais de l’amitié que naît l’égalité ou une sorte d’égalité.

Sont égaux de cœur, pour ainsi parler, et se sentent égaux de cœur les citoyens, les concitoyens, les compatriotes qui s’aiment. On est des égaux quand on est des frères. La « vraie » égalité est la fraternité. La « vraie » égalité, et je ne veux pas dire que l’autre soit fausse, mais j’entends que celle-ci est bonne et qu’elle est féconde, la vraie égalité existe quand des citoyens très inégaux en forces, en intelligence, par l’éducation, par la fortune, sont convaincus cordialement que cependant, d’une certaine façon, ils sont égaux encore, soit comme fils d’un même père, et c’est l’égalité à base de sentiment religieux, soit comme fils de la même mère, et c’est l’égalité à base de sentiment patriotique. La vraie égalité consiste à croire que, malgré tant d’inégalités, on aime également quelque chose ou l’on est aimé également par quelqu’un.

Cette égalité de fond, si on la sent comme par dessous tant d’inégalités nécessaires, à savoir naturelles ou imposées par l’histoire, si on la sent,